LE TANT QU’IL FAIT


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LE TANT QU’IL FAIT

 

Composer la couleur sans se tromper de verbe

et au présent éviter l’imparfait

juste pour ne pas faire fuir le futur

Tu sais de là, la toile a pris la direction du chemin le plus sûr  pour rester bleue en ce jour classé rouge. Une campagne joue entre les arbres à tenir des vignes sur son dos. Les petites maisons blanches ont les yeux si ouverts que sans mentir elles sont face à la mer. Quelques autochtones disent avoir vu un bateau passer dans la rue de la fontaine à une heure de forte chaleur. Le cheval qui le tirait, employé du ramassage des algues, chantait une chanson de coquillage revenu de colonie jolie. Pas un garde-champêtre ne l’a arrêté pour outrage à la pudeur. Sur le banc du haut un couple s’aime. Quand tu apercevras le bruit du timbre de mon vélo tu pourras décacheter l’enveloppe de mon sourire. Il est pour toi, tout contre.

Niala-Loisobleu – 12 Juillet 2019

J’AI PEINT POUR LA TOILETTE


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J’AI PEINT POUR LA TOILETTE

 

Dans la terre cassante remettre ce filet de voix qui dans l’extinction dit je demande la parole

Un poisson qui marche ne peut aller que vers l’eau proche

Ils ont tremblés les grands arbres quand leur chapeau de feuilles s’est mis à tomber en Juillet, comme un homme au regard si doux qui sent le coup passer près

Au soir d’hier, à la nuit paresseuse, j’ai causé aux plantes sans penser qu’à part elles personne ne m’aurait compris, nus face à face d’une glace hôte nous nous sommes reconnus

Sans doute derrière le mur les pas des derniers jours sentent encore le passage assez fort pour retrouver la piste du caillou mis en balise

Collés à la vitrine les redresseurs de l’oeil voient à contre sens, cette femme n’est pas morte et encore moins l’objet décrié. Elle vit seule loin des gisants-debout, à pouls battant

Au rouge désert dresser l’oasis à dos de chameau, l’outre-mère pleine, puis de tous ses doigts remettre au nombril le liquide de survie, il possède l’impensable possible volonté de vivre. Entends les meuhs se diriger vers l’entrain.

Niala-Loisobleu – 12 Juillet 2019

DANS LA BRAISE DES YEUX


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DANS LA BRAISE DES YEUX

 

A l’ultime flamme les jambes ratèrent le pas par la voie des yeux, disparue. Pourtant au plus profond des cavités l’image n’a voulu jaunir, ce bleu jamais connu demeure au milieu de ses clefs, gardienne sûre. J’ai entendu la sirène comme un dernier salut, au pied de la toile éteinte venir remplir son office. J’ai du ramper comme le blessé mortellement atteint qu’une énergie plus rebelle pousse en corps à croire. Tirer le nerf au levier, un fil à plomb surgit comme le premier commandement du choix de vivre. Qu’est-ce que ton âge viendrait ajouter à ce four, gamin, tu as plus le caillou dans la sacoche du mollet ? Il n’y a pas de mal à ce que la chaîne saute dans une pareille conjonction d’embûches climatiques. Tu ne mourras pas de canicule mais de sécheresse venue de cet amour que tu barrerais de son courant. Ne taris pas le seul rêve qui t’ai voyagé au-dessus des territoires dévastés, vis-le comme l’unique ensemble de ta ruche. Sous l’herbe brûlée la source est trop profonde pour tarir.

Niala-Loisobleu – 11 Juillet 2019

 

FLEUR DE FLEUR


Norge

 

FLEUR DE FLEUR

Amour, tu pèses ton poids
De fer. de feux et de plumes.
Oiseau forgé qui flamboie
Rouge et criant sur l’enclume.

Pourquoi du fer est-il fleur.
Chevaux, ruisseaux et demeures ?
Je vis de ce fer, j’en meurs.
Est-ce miel, fiel, rose et beurre ?

Mon petit beurre de rose.
Mon sapide miel de fiel,
Floréal parmi ventôse,
Réel, pluriel, irréel.

Ah, de toutes les couleurs.
Immense et de vide immense,
Douleur, délice et douleur.
Ah mon petit fer de lance ;

Ah. ma toute fleur de vigne,
Rien n’est au monde que nous.
Mon petit jeune de cygne
Avec tes jeunes genoux.

Non, tu n’es pas assez nue
Lorsque tu es toute nue.
Mienne connue inconnue,
O mes folles avenues.

Les
Alpes, l’azur, c’est nous.
Mais c’est nous les
Pyrénées.
Les chants, les vents, les années.
C’est nous et nous, mon joujou !

C’est nous les plus nus au monde
Et c’est nous les plus cachés,
O ma vipère profonde.
Mon jardinet, mon duché.

Quelle beauté : tu respires !
Laissons le fagot des mots.
Rien dans les mots ne désire
Assez pour nous, mon moineau.

Nous n’y sommes plus, royaumes.
Vertus, meutes, sacrements.
Adieu.
Nos regards fantômes
N’ont pas existé vraiment.

Perdus, les morts et les mers
Et toutes vignes, perdues !
Je n’ai pour suc et pour chair
Que toi, ma pêche mordue.

Liqueur de cœur, orgue et chœur,
Déserte, chaude et dorée,
Fleur de tout, fleur de marée.
Fleur de fleur, c’est fleur de cœur.

 

Géo Norge

CORRESPONDANCE


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CORRESPONDANCE

 

La rue traîne ses rémouleurs aux meules fendues

camelots et bonimenteurs tenant l’an vers du décor

Au coin de la porte cochère le cheval n’a pas voulu passer les bornes

la boîte à grimages n’a rien de la lanterne magique

être soudain nommé autre qu’il y a à peine quelques minutes obscurcit plus que s’y risquer

 

Niala-Loisobleu – 10/07§19

LA FÊTE EST FINIE


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LA FÊTE EST FINIE

Il est tard maintenant.
Me voici comme chaque soir
Claquemuré dans la cuisine où bourdonne une mouche.
Sous l’abat-jour d’émail dont la clarté pauvre amalgame
Les ustensiles en désordre, un reflet dur écrase
Ma page confondue aux carreaux passés de la toile,
Et la fenêtre penche au travers de la nuit où tous
Les oiseaux se sont tus, et les mulots sinon les branches
Que le vent froisse et ploie, et les plis des rideaux,
Et les remous de l’eau contre les berges invisibles.

Mais qu’est-ce qui s’agite et crisse en moi, plume d’espoir
Qui s’émousse comme autrefois quand j’écrivais des lettres
Et que toujours plus flous des visages venaient sourire
En filigrane, exténués comme le sens des mots
Ordinaires : tu sais la vie est plutôt difficile
Depuis qu’Irène — ou bien ne me laissez pas sans nouvelles.

Et pour finir ces formules sans poids qui me navraient.
Ton père affectionné, ma grande, et tous ces bons baisers
Au goût de colle, de buvard et d’encre violette.

Non, soudain c’est ma propre image qui remonte et flotte

À la surface du papier, sous les fines réglures,
Comme le jour où chancelant sur le bord du ponton
Parmi les frissons du courant j’ai vu glisser en paix
Ma figure sans nom. —
L’identité du malheureux
N’est pas avec certitude établie — oh laissez-le
Dériver ; que son âme avec l’écume du barrage
Mousse encore, s’envole et vienne se tapir ici
Dans les fentes du plâtre et le grincement de la porte.

Alors comprendra-t-on pourquoi les jours se sont noyés
L’un après l’autre, jours divers, mais c’est toujours le même,
Hier, demain, jamais, qui réapparaît aujourd’hui
Et qui me voit rôder de la cuisine aux chambres vides
Locataire d’une mémoire où tout est démeublé,
Où jusque sous l’évier s’affaiblit l’odeur familière
Et, par les dimanches passés au rideau poussiéreux.
L’illusion que tout aurait pu de quelque autre manière
Conduire à d’autres seuils — mais la même ombre m’attendait.

Que reste-t-il dans les tiroirs : quelques cartes postales,
Deux tickets de bal, une bague et des photographies
Qui regardent au loin à travers de beiges fumées ;

Plus pâles chaque jour ces nuages du souvenir
M’enveloppent, j’y dors sans poids, sans rêve, enseveli
Avec ce cœur docile et ponctuel qui fut le mien peut-être, et qu’emporte à présent le rythme de l’horloge
Vers le matin du dernier jour qui va recommencer,
Déjà vécu, levant encore en vain sa transparence.

Si doux, ce glissement du train de banlieue à l’aurore (Quand de l’autre côté du carreau tremblant de buée
Le ciel vert et doré grandit sur la campagne humide)
Que c’est lui qui m’éveille aussi le dimanche et me mène
Jusqu’à l’enclos où j’ai mes tomates et mes tulipes.
Autour, dans la fumée et l’odeur aigre des journaux,
Songeant à d’autres fleurs, au toit de la tonnelle qui
S’effondre, mes voisins obscurs et taciturnes vont,
Convoi d’ombres vers la clarté menteuse du matin.

À cette heure malgré tant de déboires, tant d’années,
Je me retrouve aussi crédule et tendre sous l’écorce
Que celui qui m’accompagna, ce double juvénile
Dont je ne sais s’il fut mon père ou mon enfant, ce mort
Que je ne comprends plus, avec sa pelle à sable, avec
Sa bicyclette neuve, et son brassard blanc, son orgueil
Tranquille de vivant qui de jour en jour s’atténue
Entre les pages de l’album pour ne nous laisser plus
Que le goût d’une réciproque et lugubre imposture.

Muets, dépossédés, nous nous éloignons côte à côte,
Et ce couple brisé c’est moi : le gamin larmoyant

Que n’ont pas rebuté les coups de l’autre qui s’arrache À la douceur d’avoir été, quand le pas se détraque
Et que l’on est si peu dans le faible clignotement
De l’âge, sac de peau grise flottant sur la carcasse
Déjà raide et froide où s’acharne, hargneuse, infatigable,
L’avidité d’avoir encore un jour, encore une heure
Avant de quitter le bonheur débile de survivre.

Ne pouvoir m’empêcher de songer à ma mort (si fort
Parfois qu’en pleine rue on doit le voir à ma démarche)
Alors qu’elle sera la fin d’un autre dont la vie
N’aura été que long apprentissage de la mort :
Pourquoi cette épouvante et ce sentiment d’injustice ?
Qui te continuera, rêve d’emprunt d’où chacun sort
Comme il y vint, sans se douter que ce dût être si
Terrible de restituer cette âme qui faisait
Semblant de s’être accoutumée à nous ?
Je me souviens :

Un beau soir d’été dans la rue, est-ce qu’il souriait ?
Voici qu’il tombe la face en avant sur le trottoir.
Autour de lui beaucoup de gens se rassemblent pour voir
Comment il va mourir, tout seul, attendant la voiture,
Se débattant pour la dernière fois avec son cœur
Et son âme soudain lointaine où subsiste un reflet
De l’improbable enfance, un arbre, un morceau de clôture,
Quelques soucis d’argent et peut-être un nom, un visage
Effacé mais qui fut l’unique et déchirant amour.

Et c’était moi qui m’en allais déjà ; ce sera lui

Qui mourra de nouveau quand viendra mon tour ; c’est toujours
Tout le monde qui meurt quand n’importe qui disparaît.
S’il me souvient d’un soir où j’ai cru vivre — ai-je vécu.
Ou qui rêve ici, qui dira si la fête a jamais
Battu son plein ?
Faut-il chercher la vérité plus bas
Que les branches des marronniers qui balayaient le square
Sous les lampions éteints, parmi les chaises renversées,
Quand le bal achevé nous rendit vides à la nuit ?

Les fleurs que l’on coupa pour vos fronts endormis, jeunesses
Qui dansiez sans beaucoup de grâce au milieu de l’estrade
Au son rauque du haut-parleur, dans un nuage de
Jasmin, de mouches, de sueur, les yeux tout ronds devant
Les projecteurs cachés entre les frondaisons dolentes,
Les fleurs, las voyez comme en peu d’espace les fleurs ont
Glissé derrière la commode où leur pâle couronne
Sans musique tournoie avec les cochons du manège,
L’abat-jour en émail, les remous sombres du ponton.

Je ne revois que des cornets déchirés, des canettes
Dans l’herbe saccagée, et des guirlandes en lambeaux,
Et l’urne de la tombola brisée sous les tréteaux,
Et l’obscur espace du tir d’où plumes et bouquets
Ont chu dans la poussière.
Et voici les objets perdus
Dans le tiroir que personne après moi n’ouvrira plus

Pour réclamer en vain cette lettre qui manque, mais

Pour rire d’un portrait de belle prise dans l’ovale

Et levant d’impuissantes mains jusqu’à son dur chignon

Quel tenace et triste parfum d’oubli monte, s’attarde
Avec les cloches du matin qui rôdent sous les branches
Et la cadence de l’horloge au-dessus du réchaud.
Au loin dans le faubourg où finissent toutes les fêtes
Une dernière fois l’ivrogne embouche son clairon.
En bâillant, cheveux dénoués, la belle ôte ses bagues ;
Au fond de l’insomnie où m’enferme le bruit des mots,
Son épaule de miel est-ce le jour qui recommence,
Son silence l’espace où vont éclater les oiseaux ?

Jacques Réda

 

Illustration Travail en cours détail – Niala 2019

QUAND VOLENT LES MAISONS


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QUAND VOLENT LES MAISONS

Au bas de la colline de tes seins, abattu par trop de chaleur, je dormais en l’absence de nuit de sommeil, les deux (le savoir et le faire) dans les cordes d’un ring implacable. Seule ma pensée fugitive refusait de rester au pied. Il faut que tu montes, me disait-elle, elle aussi est dans cette léthargie caniculaire et demande à boire. Vas, cours elle ne s’appelle pas Roland, ne la laisse pas au fond du col, d’un cygne de bouche montre-toi. Un couple apparut au seuil de la place et déjà dans les fleurs on en devinait d’autres debout sur un appui de fenêtre d’un petit village, le toit émoi en vol. La pierre tremblante. Et d’arbres portant, nous nous enlaçâmes les seins, le dos, le cou, la tête, le ventre , les fesses, les cuisses, le torse, les genoux, les poplités réunies comme une fête des moissons.

Niala-Loisobleu – 09/07/19

 

 

PEINTURE  EN CALE


 

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PEINTURE  EN CALE

Une matière molle a atteint les limites de ce qui donne signe de vie

le ciel coule d’un laid qui déborde

La cabane éventrée démonte l’halte providentielle du lieu d’asile

s’ils s’en prennent aux marguerites il pourrait y avoir à la place un élevage de couronnes mortuaires en serre, l’entrain et les meuhs n’ayant plus droit de cité..

Je m’inquiète pour mes petites maisons posées à même les arbres, les oiseaux disparaissent. Les faucheurs recrutés par la camarde sont pas du genre flamants roses et Vincent lève les derniers ponts avant Les Saintes. Me reste le cri de ses iris traversant les barreaux. Je m’en tournesol, le réveil ayant laissé le temps aux araignées pour tisser quelque espoir.

Niala-Loisobleu – 09/07/19

GRAND-PAVOIS


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GRAND-PAVOIS

Quand l’âme s’allume le ciel lève un pan du rideau

un instant de frais traverse le lit

sur l’échelle des poissons montent à l’écluse

et la barrière du pré se tourne vers le bruit du sas en montée

Niala-Loisobleu – 08/07/19

PENDANT QUE


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PENDANT QUE

 

Sur la façade principale le soleil ayant fini de s’en prendre au linge des fenêtres goûtait un dessert aux géraniums. L’enseigne en fondant a laissé un mot de départ pour un coin d’ombre. Et à part des soupirs explicites jamais les jalousies n’avaient été aussi actives.

Et moi

au milieu

je trouvais un air de java

au milieu de toi

Ma

rue

mon caniveau

mes bateaux à voiles

mes montgolfières

mon cerf-volant

mon cheval d’art son

mon escarpe

mon peint  parasol

un ventilateur aux idées migratoires me soufflant sous l’aisselle par les vertèbres d’un horizon vallonné creusant son lit que j’appelais ma petite rivière en demandant un billet pour les îles sous le vent, le dos rond le chat allait et venait, la bouilloire enfin tue, ainsi que la chasse d’ô, sur la radio une chanson paillarde, au milieu de la table une bouteille de mojito et vers la menthe sans discontinuer, cueillir les cerises par l’aqueux.

 

Niala-Loisobleu – 08/07/19