SUPER MARCHE


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SUPER MARCHE

Mandolines à l’affût du malheur souhaité les joueurs aux mains de lèpre rôdent dans les traînées salines laissées par des yeux fatigués

Les vautours précèdent les changements d’accord comme une mite friande d’haleine sans penser au stérile du oui-ouisme qui appauvrit contrairement à ce qu’apporte le dièse en renfort

C’est vrai qu’à force d’éroder la montagne on ne fait plus de comparaison avec le plat-pays de l’habitude et l’altitude du sentiment

Puis il y a  une telle propension à mentir que les loups viennent au coeur des villes faire leur grosse commission

Chiens galeux en caravane la carie de vos chicots à la nicotine me fait penser à la jeunette qui se goure en croyant qu’un tatouage garde éternellement la peau tendue. Une roue sans essieu fait pas plus fortune aujourd’hui qu’hier dans la cosmogonie de l’univers. Les boudhas à usage illimité qui font florès dans la rue du commerce sont comme les amis d’internet des pseudonymes du langage partagé. Il y a une culture indispensable en tout.

Niala-Loisobleu – 24 Juillet 2019

 

2 réflexions sur “SUPER MARCHE

  1. Contre l’état naturel de l’excès

    qui laisse s’échapper des trouées d’enfance,

    la bêtise ordinaire épouse le bruit comme on pense

    pour ne plus avoir peur du chantier silencieux

    qui repousse les heures

    et les limites en contrebas.

    Et dans le retrait de chacun de ses pas altérés

    où poussent des fleurs d’insignifiance,

    elle gagne du terrain sur l’absence et sur le vain

    sans même se retourner sur son soleil de gravats.

    Barbara Auzou

    Instruits au fouet du drame en tout qui génère la compassion, sentiment hautement onaniste s’il en est…L’être devenu fable, enfin…
    De toi, l’instruction au fouet joyeux de la vie en vie.Rien de moins.

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    • LEÇONS

      Autrefois

      moi l’effrayé, l’ignorant, vivant à peine,

      me couvrant d’images les yeux,

      j’ai prétendu guider mourants et morts.

      Moi, poète abrité,

      épargné, souffrant à peine,

      j’osais tracer des routes dans le gouffre.

      A présent, lampe soufflée,

      main plus errante, tremblante,

      je recommence lentement dans l’air.

      Raisins et figues

      couvés au loin par les montagnes

      sous les lents nuages

      et la fraîcheur

      pourront-ils encore m’aider?

      Vient un moment où l’aîné se couche presque sans force.
      On voit de jour en jour son pas plus égaré.

      Il ne s’agit plus de passer comme l’eau entre les herbes : cela ne se tourne pas.

      Quand même le maître sévère

      si vite est emmené si loin,

      je cherche ce qui peut le suivre :

      ni la lanterne des fruits,

      ni l’oiseau aventureux,

      ni la plus pure des images;

      plutôt le linge et l’eau changés, la main qui veille, plutôt le cœur endurant.

      Je ne voudrais plus qu’éloigner ce qui nous sépare du clair, laisser seulement la place à la bonté dédaignée.

      J’écoute des hommes vieux

      qui se sont allié le jour,

      j’apprends à leurs pieds la patience :

      ils n’ont pas de pire écolier.

      Sinon le premier coup, c’est le premier éclat

      de la douleur : que soit ainsi jeté bas

      le maître, la semence,

      que le bon maître soit ainsi châtié,

      qu’il semble faible enfançon

      dans le lit de nouveau trop grand —

      enfant sans le secours des pleurs,

      sans secours où qu’il se tourne,

      acculé, cloué, vidé.

      Il ne pèse presque plus.

      La terre qui nous portait tremble.

      Ce que je croyais lire en lui, quand j’osais lire, était plus que l’étonnement : une stupeur comme devant un siècle de ténèbres à franchir, une tristesse ! à
      voir ces houles de souffrance.
      L’innommable enfonçait les barrières de sa vie.
      Un gouffre qui assaille.
      Et pour défense une tristesse béant comme un gouffre.

      Lui qui avait toujours aimé son clos, ses murs, lui qui gardait les clefs de la maison.

      Entre la plus lointaine étoile et nous

      la distance, inimaginable, reste encore

      comme une ligne, un lien, comme un chemin.

      S’il est un lieu hors de toute distance,

      ce devait être là qu’il se perdait :

      non pas plus loin que toute étoile, ni moins loin,

      mais déjà presque dans un autre espace,

      en dehors, entraîné hors des mesures.

      Notre mètre, de lui à nous, n’avait plus cours :

      autant, comme une lame, le briser sur le genou.

      Muet.
      Le lien des mots commence à se défaire

      aussi.
      Il sort des mots.

      Frontière.
      Pour un peu de temps

      nous le voyons encore.

      Il n’entend presque plus.

      Hélerons-nous cet étranger s’il a oublié

      notre langue? s’il ne s’arrête plus pour écouter?

      Il a affaire ailleurs.

      Il n’a plus affaire à rien.

      Même tourné vers nous,

      c’est comme si on ne voyait plus que son dos.

      Dos qui se voûte pour passer sous quoi?

      «
      Qui m’aidera?
      Nul ne peut venir’jusqu’ici.

      Qui me tiendrait les mains ne tiendrait pas celles

      qui tremblent, qui mettrait un écran devant mes yeux ne me

      garderait pas de voir, qui serait jour et nuit autour de moi comme un

      manteau

      ne pourrait rien contre ce feu, contre ce froid.
      Nul.n’a de bouclier contre les guerriers qui m’assiègent,

      leurs torches sont déjà dans mes rues, tout est trop tard.

      Rien ne m’attend désormais que le plus long et le pire. »

      Est-ce ainsi qu’il se tait dans l’étroitesse de la nuit?

      C’est sur nous maintenant

      comme une montagne en surplomb.

      Dans son ombre glacée

      on est réduit à vénérer et à vomir.

      A peine ose-t-on voir.

      Quelque chose s’enfonce en lui pour le détruire.
      Quelle pitié

      quand l’autre monde enfonce dans un corps son coin!

      N’attendez pas

      que je marie la lumière à ce fer.

      Le front contre le mur de la montagne

      dans le jour froid

      nous sommes pleins d’horreur et de pitié.

      Dans le jour hérissé d’oiseaux.

      On peut nommer cela horreur, ordure, prononcer même les mots de l’ordure déchiffrés dans le linge des bas-fonds : à quelque singerie que se livre le poète, cela
      n’entrera pas dans sa page d’écriture.

      Ordure non à dire ni à voir : à dévorer.

      En même temps

      simple comme de la terre.

      Se peut-il que la plus épaisse nuit n’enveloppe cela?

      L’illimité accouple ou déchire.

      On sent un remugle de vieux dieux.

      Misère

      comme une montagne sur nous écroulée.

      Pour avoir fait pareille déchirure,

      ce ne peut être un rêve simplement qui se dissipe.

      L’homme, s’il n’était qu’un nœud d’air, faudrait-il, pour le dénouer, fer si tranchant?

      Bourrés de larmes, tous, le front contre ce mur, plutôt que son inconsistance, n’est-ce pas la réalité de notre vie qu’on nous apprend?

      Instruits au fouet.

      Un simple souffle, un nœud léger de l’air, une graine échappée aux herbes folles du’Temps, rien qu’une voix qui volerait chantant à travers l’ombre et la
      lumière,

      s’effacent-ils, il n’est pas trace de blessure.

      La voix tue, on dirait plutôt un instant

      l’étendue apaisée, le jour plus pur.

      Que sommes-nous, qu’il faille ce fer dans le sang?

      On le déchire, on l’arrache,

      cette chambre où nous nous serrons est déchirée,

      notre fibre crie.

      Si c’était le « voile du
      Temps » qui se déchire, la « cage du corps » qui se brise, si c’était 1′ « autre naissance »?

      On passerait par le chas de la plaie, on entrerait vivant dans l’éternel…

      Accoucheuses si calmes, si sévères, avez-vous entendu le cri d’une nouvelle vie?

      Moi je n’ai vu que cire qui perdait sa flamme et pas la place entre ces lèvres sèches pour l’envol d’aucun oiseau.

      Il y a en nous un si profond silence qu’une comète

      en route vers la nuit des filles de nos filles, nous l’entendrions.

      Déjà ce n’est plus lui.

      Souffle arraché : méconnaissable.

      Cadavre.
      Un météore nous est moins lointain.

      Qu’on emporte cela.

      Un homme (ce hasard aérien,

      plus grêle sous la foudre qu’insecte de verre et de

      tulle, ce rocher de bonté grondeuse et de sourire, ce vase plus lourd à mesure de travaux, de souvenirs), arrachez-lui le souffle : pourriture.

      Qui se venge, et de quoi, par ce crachat?

      Ah, qu’on nettoie ce lieu.

      S’il se pouvait (qui saura jamais rien?)

      qu’il ait encore une espèce d’être aujourd’hui,

      de conscience même que l’on croirait proche,

      serait-ce donc ici qu’il se tiendrait

      où il n’a plus que cendres pour ses ruches?

      Se pourrait-il qu’il se tienne ici en attente

      comme à un rendez-vous donné « près de la pierre »,

      qu’il ait besoin de nos pas ou de nos larmes?

      Je ne sais pas.
      Un jour ou l’autre on voit

      ces pierres s’enfoncer dans les herbes éternelles,

      tôt ou tard il n’y a plus d’hôtes à convier

      au repère à son tour enfoui,

      plus même d’ombres dans nulle ombre.

      Plutôt, le congé dit, n’ai-je plus eu qu’un seul désir :

      m’adosser à ce mur

      pour ne plus regarder à l’opposé que le jour,

      pour mieux aider les eaux qui prennent source en

      ces montagnes à creuser le berceau des herbes, à porter sous les branches basses des figuiers à travers la nuit d’août les barques pleines de soupirs.

      Et moi maintenant tout entier dans la cascade céleste

      de haut en bas couché dans la chevelure de l’air

      ici, l’égal des feuilles les plus lumineuses,

      suspendu à peine moins haut que la buse,

      regardant,

      écoutant

      (et lès papillons sont autant de flammes perdues,

      les montagnes autant de fumées) —

      un instant, d’embrasser le cercle entier du ciel

      autour de moi, j’y crois la mort comprise.

      Je ne vois presque plus rien que la lumière, les cris d’oiseaux lointains en sont les nœuds,

      toute la montagne du jour est allumée,

      elle ne me surplombe plus,

      elle m’enflamme.

      Toi cependant,

      ou tout à fait effacé,

      et nous laissant moins de cendres

      que feu d’un soir au foyer,

      ou invisible habitant l’invisible,

      ou graine dans la loge de nos cœurs,

      quoi qu’il en soit,

      demeure en modèle de patience et de sourire

      tel le soleil dans notre dos encore

      qui éclaire la table, et la page, et les raisins.

      Philippe Jaccottet

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