ENTRE TIEN EMOI 104
Le lanterneau attrape la lumière par dessous le compact nuageux. J’ai colère en place devant pareil gâchis. A la saison où on se vêt d’herbe, d’eau et de soleil il faut se couvrir comme si on avait eu tort de vouloir aimer. Si j’arrive à vider l’eau de l’ocarina, je joue pour de vrai sans souffler. Devant l’étendue raccourcie le cheval a une oreille cassée, le chien lui tire une gueule à faire peur, il en est à sa énième paire de pompes bouffées. Les bords de la mer sont repliés sous les parasols, plus un cerf-volant ne traverse, J’ai une transparence en tête en forme de robe bleue qui allégerait le poids de cette tristesse saisonnière.
Et dans l’attente et dans le sombre,
Mon désir s’endort malgré lui ;
L’oublie se plie là, dans son ombre,
Comme une fleur belle-de-nuit.
Une robe bleue en contre-jour
Qui violette dans l’aube fine,
Et comme une offrande à l’amour,
Montre deux jambes d’aubépine.
Et sous la sueur et sous la langue
Bashung s’échine dans les noises ;
Dans cette mélodie où tangue
Un bouton de fleur de framboise.
L’acre parfum crie sous la lune
Qui dit adieu matutinal.
Et sous la forme d’une prune,
S’ouvre une autre porte du mal.
Bashung royal crée le silence.
Les belles de jour s’ouvrent au soleil.
La robe bleue gît et s’élance.
Mon désir monte et merveilles.
Philippe Rousseau
J’ai traversé l’espace fermé. Ai entendu ton pouls battre et acheté la robe.
Niala-Loisobleu – 12/06/19

Ses robes, il faudrait en parler.
Cette manière qu’elle a d’en changer. D’en découdre avec la terre, avec le ciel. Ses ourlets blancs qui se déchirent et se rapiècent. Ses déforques d’algues à marée basse sur le sable mouillé. Ses fourures et ses boléros quand elle s’en va danser au large. Et ce bleu, ce vieux bleu fétiche qui en voit de toutes les couleurs quand elle retrousse ses manches et se met au travail.
Les tentures brodées de myosotis et les miroirs profonds encadrés de faïence avouent quelle nostalgie l’habite. Ici se dissimule une vie recluse de femme, avec ses paquets de lettres noués de rubans violets, ses dentelles mauves, ses coffrets de turquoise, et toute la bijouterie des saphirs, des émeraudes et des perles, la pacotille des verroteries et des pendentifs de nacre, et quantité de fleurs exotiques aux tons indescriptibles piquées dans les vases de porcelaine dont aucune main humaine ne change jamais l’eau.
(extrait du livre de Jean-Michel Mauploix, Une histoire de bleu, éd. Mercure de France MCMXCIV, 1992, « Dernières nouvelles de l’amour », p.108)
Ah Mon…Aimer et mourir procèdent de la même connaissance et vont du même-pas, alors autant s’aimer…Et sous le soleil de surcroît!!!
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Merveilleux texte, un somptueux vestiaire que rien n’écarte de sa nature simple.
Oui ahhhhhhh,Ma..,
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Mes tomates viennent de me dire que tout va vers le bleu…
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Bonne nouvelle !
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Je les crois, tu sais!
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charmant
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L’araignée tisse, charmant…
N-L
VOIX DANS LE GRENIER
PAR VICTOR HUGO
Victor Hugo
L’habit râpé
Vivent les bas de soie et les souliers vernis !
La chaise dépaillée
Dieu dit aux bons fauteuils : fauteuils, je vous bénis !
Le poêle froid
Comme un grand feu qui flambe et pétille en décembre
Vous illumine l’âme en empourprant la chambre !
Le verre plein d’eau
Ma foi, j’aime le vin.
La soucoupe pleine de poussière
Moi, j’aime le café.
L’écuelle de bois
C’est charmant de crier : garçon ! Perdreau truffé,
Bordeaux retour de l’Inde, et saumon sauce aux huîtres !
Le carreau cassé
Une fenêtre est belle alors qu’elle a des vitres.
Le gousset vide
Que l’usurier hideux, poussif, auquel tu dois,
Agite un vieux billet de banque en ses vieux doigts,
Fût-il gris comme un chantre et crasseux comme un diacre,
Vénus vient toute nue en sa conque de nacre.
Le lit de sangle
Un édredon, c’est doux.
L’écritoire
Arétin, plein d’esprit,
Vit content ; sous ses pieds il a quand il écrit
Un charmant tapis turc qui réchauffe sa prose.
Le trou de la serrure
J’estime une portière épaisse, et, verte ou rose,
Laissant voir, dans les plis du satin ouaté,
Un mandarin qui prend une tasse de thé.
Un papier timbré
Verrès est riche et grand ; devant lui nul ne bouge.
Le miroir fêlé
Sur un frac brodé d’or j’aime un beau cordon rouge.
L’escabeau boiteux
Quel bonheur de courir à la croix de Berny
Sur quelque ardent cheval plein d’un souffle infini,
Démon aux crins épars né des vents de l’Ukraine !
La semelle percée
Quelle joie ! En hiver, rouler au Cours-la-Reine,
Quand le soleil dissout les brouillards pluvieux,
Dans un landau qui fait blêmir les envieux !
Le plafond troué
Et, tandis qu’au dehors siffle le vent féroce,
Contempler, à travers les glaces du carrosse,
Le ciel bleu, rayonnant d’une douce clarté !
Le ciel bleu
Paix ! Comptez vous pour rien cette sérénité
De marcher le front haut, et de se dire : en somme,
Je mange du pain noir, mais je suis honnête homme !
Le 17 novembre 1853.
Victor Hugo
Extrait de: Les quatre vents de l’esprit (1881)
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