OUÏ DIRE
Le poète de profil
Le poète à l’équerre de corps et d’ombre sur les seuils
Le poète
Gulliver qui retrace un roncier d’hiver avec
la pointe de
Hopkins
Ou décroît pour accorder l’herbe au zodiaque avec
compas de
Gongora
Génie des contes perses car il refuse l’indifférence
Il entretient la lymphe bleue dans le réseau des ormes
Veille zêta epsilon delta d’Orion sur la branche basse Œil triple posé de witch witch witch
Qui s’envole constellation subtile de corbeaux
Il est ici pour inventer quelque chose d’aussi beau qu’un mot saxifrage inventé par personne
S’il cherche un trésor il le trouve
(Imagine un poisson cherchant un poisson dans l’obscurité des mers…)
Quand il revient parmi nous dans la transparence
d’hiver où les choses sont des lignes
Quand il rouvre le filon des couleurs à ciel ouvert
Quand il revient sur l’étroite digue hospitalière et
Et quand poussé aux épaules par
Comme un transféré
Il longe la rivière invitée au moulin
Le coq sa crête de lilas son cri à travers
—
L’aveugle
Il se gante de saule
Il endosse la rivière
Et voici tâtonnant
Sa main prolongée
S’avance dans un monde étrange
Il se hâte vers le désert
Un plateau où la flèche est
gnomon
Le vide est sa force
Le soleil passe comme un anneau
nuptial
Entre les arbres généreux il appartient à la déception Émigré que scalpe un âge il travaille pour une absente
sous ses pieds qui dort quand il se lève
Pour regagner l’absente de son pays qui veille quand
il dort
Le temps est celui qu’il n’a pas de penser à elle
Il émigrait l’hiver dans les branches pieuses
L’hiver d’une seule manière multipliée
— les os les mots l’amplitude les pas les voix l’espace
occupé les voyages la justice —
Épiant le visible où les figures muent
Il émigrait faune serrant un pipeau de veines
Syrinx étouffée les vaisseaux creux ramassés devant soi
Où le sang prolonge sa peine
Le cœur venait contre l’oreille
On veut le faire roi !
La clientèle des vents le serre
Les cris le portent
Toute voix veut à nouveau se faire entendre
L’hiver expose lés litiges
Un groupe de fleurs attend son tour
Il y a ces écrouelles de lisière
II y a ces ruines
Un joug un front de buffle brûlé
Qui t’a fait ruine?
La crase des mains apaise droite et gauche
Une pierre attendit cent mille ans
II exauce le silex
Un jouet d’ébonite sur un sillon quoi d’autre
Car les adunata quittant le rêve atterrissent
Tout le réel est possible
Les fables parlent comme des animaux
Ombre de
Virgile devenue voix de
Virgile
Voix de muse devenue désir et obéissance
Je te suis écoutant la plainte donnant voix à
l’enfer fraternel
Je t’écoute ta voix décapitée
attentif au silence continue sous le treillis pareil au
vengeur qui canne la vengeance
Je reconnais la souffrance grâce aux lieux
L’herbe ici n’a pas crû
La bête est restée
Toi je t’écoute
Que dis-tu de ta saison?
Je descends la vallée partageant
Une feuille
Remonte vers le village
Les stères d os rassemblez-les au feu
Le tort?
Mais l’homme vous donne la place
Les oiseaux ont des chemins
Qu’on relève cette borne
L’eau qu’elle se dessèche en cette place usurpée
Dénouez les andouillers des acacias lutteurs
Retirez doucement le bleu cosmos
Qui s’est pris aux pals d’hiver
Les fleuves la perspective
Les versants le fagot des chemins
Il guide vers un lit de syllabes
Le vent est son fouet
Il favorise la transhumance des terres
Appelle bruit le grondement des sols
Longeant l’arc où le ciel
A centré ses lumières
Cyprès de paroles alors
Se dressent et oscillent
Par ceux qui marchent ici comme dans galerie à ciel ouvert (parois d’ormes piliers de grès sol de terre ciel de ciel) par ceux qui disent
Voici lisière
Le monde avait besoin d’être annoncé
«
Le royaume est semblable au chemin par exemple
Extérieur au mur bas du château grillagé
Le royaume est semblable à ce lieu
Qui a besoin de parabole pour demeure »
Un homme las du génitif et las
De l’histoire du même divisé contre lui-même
— ô femmes répudiées —
Portant les faisceaux du savoir
Mais en forme des faux sur le champ
Apostrophes sur les tempes
Près des bêtes tachées qui mourraient jusqu’au bord
Le vent repasse
Par des chenaux sans métamorphoses
Un géomètre le soleil reprend les verticales
Phares lents d’ombre
Quel est ton héritage?
Entre audience et décret le suspens
Royal comme la dot des
Phéaciens
L’accueil à mots couverts de ressemblance errante
La vengeance son change en manne
Le remembrement des tropes
Le baptême des noms après les noms
O mer limitée!
Ignorance des ronces!
Sous les paupières nous nous rapprochons
Pour parler en secret à son insu à mon insu
Je prends le masque de la terre sous la peau
L’herbe envahit mes os
Barque exaltée en pavois où le corps
Se vêt de l’impatience qui lui ressemble
Et sa pensée alors conduite aux entrailles
Connaît ceci :
Profond mime du départ
L’artère émue le bras
L’os étrave à sillage de sang
Syntaxe comme
Varies
Au laps d’engagement
Lit de justice entre
Ce qui monte et ce qui vient
Psyché double où les entrailles
Font le tain pour les arbres
Et pour le sang le phosphore des
Visage comme il sort des broussailles
Dédoré végétal
Paré de lichens laid de terre
Terrestre un paysage avec jachère
Du chaume ça pousse
Ainsi la peau c’est le sol
Les yeux coulent encaissés
Passage de l’âme en ce défilé
Remontant de la perte à fleur d’être
Fontaines comme à
Vaucluse
Inattendus paisibles
On les voyait passer tout le jour
Presque sans bruit
Des maux secrets comme des hauts-fonds
Nous guérissions sans les connaître
Parfois au verso des paupières
Dans les plis de l’aveuglement
Les veines d’une vierge prévalent
Et comme il y a rivière il y eut corps à genoux
Les cailloux affleuraient le derme rapide Éburnéennes apophyses sondant l’eau tendue
Ou pliée remontent vers la source
gestes des amants
Et rythme de leurs feintes
Portés sur larmes aux longues tiges
Les amants froids tournent la face à leur chaleur
Et comme d’un feu l’hiver ils s’éloignent insuffisant
Ceux que le deuil adoucit
Vieillards devenus poètes au soleil
Confiants dans l’hiéroglyphe ici
Comme d’avoir mâché une herbe
Qui change l’amitié même
Fonte en retour pressée de s’infiltrer
Pareille à la foule des âmes que son grand
Nombre attarde une par une triée vêtue
Mais vers le visible où les morts remontent
Et nous devant la terre dressée attendant
Ainsi notre tour comme si là-bas pouvait
Nous absorber la lumière
Il est divers miroitements
entre le derme incisé des champs Échange et
le visage aux couloirs de vent
Emboîtement les rues s’encombrent comme l’ancien parvis
car les hommes agencent un gigogne
Tout se tolère et se juxtapose nombres et hortensias
Les bleus et verts dans le spectre du jour
Cependant que du balcon parfaitement mobile
Véloce l’homme arthropode se penche à travers
L’âme à facettes sur toutes choses
L’homme héliotrope
L’homme anthropoïde
Voleur mal assuré qui tend sous les arbres son dol
Homme dans l’âge qui penche sous un seuil
L’homme peut-être étant
L’homme peut-être lisant
En chaque ce qui est ce qu’il est
Bêtes son bestiaire feuilles son herbiaire jour son diaire
Jubarte épervier tortue lynx
Et mangouste il résume
Son blason ses armes la terre héraldique
Homme invisible l’homme
Tâte le vert qui s’interpose
Il descend quand le ciel le précède
L’homme demi-sang
Hissé dans le van terrestre
Il blesse l’homme
Il laisse sa momie parler sur son silence
Fatigue
Jachère
Le deuil nous conduit «
Tout » revenait comme un setter
Dans les phrases des enfants
Quand le vent pille le village
Tordant les cris
L’oiseau
S’engouffre dans le soleil
Tout est ruine
Et la ruine
Un contour spirituel
Soufflet de nuit baguée contre la joue
Le haut du haut descendit dans les places
Tout vient nuisible
Et proche heureusement
L’arbre éclaire les tempes du ciel
Le cheval engloutit la source
La couleur prend sur les animaux
Laissant l’homme
Ma vie
Le mystère du comme
Puis l’ombre se fait lumière
Les jours ne sont pas comptés
Sachons former un convoi de déportés qui chantent
Arbres à flancs de prières
Ophélie au flottage du temps
Assonances guidant un sens vers le lit du poème
Comment appellerons-nous ce qui donne le ton?
La poésie comme l’amour risque tout sur des signes
Les pierres mises aux fers
Un s’élève dans la maison
Bruit de femmes déchirant les taies
Et raies dans l’aquarium des peintres
En poulpe les veines sur le divan jusqu’à l’anus
L’eau joviale à côté du sommeil tandis que
Prévenu par l’âme prise
II lègue ses derniers moments
Le cygne dressé
Recommence à parler
Poète qui préfère
Dire comment c’est
Ronde des choses
Par les doigts du génitif
Sorite du poème
Michel Deguy

Un moineau dans le poing
les langues du trottoir rasent
l’enfant s’est vêtu de ses ailes
la statue aux seins de pierre est répudiée
elle ne sera jamais sa mer
cette fleur que le vent n’avale
a dépassé ma paume d’Adam
je la sens faire ma tripe en grand-huit
une famille de papier aux murs solides s’écrie en bleudurable
Niala-Loisobleu – 8 Juin 2019
Dis, Mon, Le bleu durable est situé où sur la palette des bleus?
L’écriture
Vous ne pouvez pas écrire avec la griffe du chat
ni avec ses oreilles dressées ni avec le bruit du train
ou le roulement des poubelles tôt encore le matin :
c’est dommage
ni avec votre cœur ni avec votre nez – directement
et le chat rentre ses griffes, baisse la tête, plus de
bruit
de train ni de poubelles : un moineau aussi insaisis-
sable
que votre cœur chante un peu et le chat doit aimer
le crissement de la plume : il ronronne. Mystère
à tenir comme un corps, comme lui dérobé.
Paul De Roux.
2 III 83
In Entrevoir, Le front contre la vitre, © Poésie/Gallimard 2014, p.175
J’aimeAimé par 1 personne
Le bleu durable est debout sur le ciel
La mer en croupe
L’univers dans la marge
La cerise en boucle d’oreille et les grandes lèvres de l’a peint
J’aimeAimé par 1 personne
Pour que tu m’entendes…
Pablo NERUDA
Recueil : « Vingt poèmes d’amour et une chanson désespérée »
Pour que tu m’entendes
mes mots parfois s’amenuisent
comme la trace des mouettes sur la plage.
Collier, grelot ivre
pour le raisin de tes mains douces.
Mes mots je les regarde et je les vois lointains.
Ils sont à toi bien plus qu’à moi.
Sur ma vieille douleur ils grimpent comme un lierre.
Ils grimpent sur les murs humides.
Et de ce jeu sanglant tu es seule coupable.
Ils sont en train de fuir de mon repaire obscur.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.
Ce sont eux qui ont peuplé le vide où tu t’installes,
ma tristesse est à eux plus qu’à toi familière.
Ils diront donc ici ce que je veux te dire,
et entends-les comme je veux que tu m’entendes.
Habituel, un vent angoissé les traîne encore
et parfois l’ouragan des songes les renverse.
Tu entends d’autres voix dans ma voix de douleur.
Pleurs de lèvres anciennes, sang de vieilles suppliques.
Ma compagne, aime-moi. Demeure là. Suis-moi.
Ma compagne, suis-moi, sur la vague d’angoisse.
Pourtant mes mots prennent couleur de ton amour.
Et toi tu emplis tout, par toi tout est empli.
Je fais de tous ces mots un collier infini
pour ta main blanche et douce ainsi que les raisins
Je t’m
J’aimeAimé par 1 personne
A la pierre vibrante
rose des sables s’il en fut un jour
mon oreille cède la place à ma langue
pour dire combien j’entends ton odeur si particulière, Ma…
J’aimeAimé par 1 personne