Voici le vingt-quatrième de cette nouvelle Epoque 2019 avec Barbara Auzou.
C’est un travail à quatre mains , merci d’en tenir compte dans vos commentaires.

Acrylyque s/toile 100×73
Collection privée.
Un jour vous saurez
Ce bonheur venu d’un seul coup
Comme un froissement d’oiseau
Manger à ma blessure
Vous saurez l’amour creusé jusqu’à l’eau
Sur la douceur déçue
Et sur la raison des lèvres
L’érosion de l’injure
Je vous dirai l’enfant dans l’irritation
De poussière partie sur le chemin de l’intention
Accomplir ce meurtre d’elle
Sauvage et simple comme une naissance
Au cœur de la marguerite rebelle
Puisse l’orange douce de vos yeux
Voir un jour l’éclosion
Du rêve imprudent et nécessaire
Comme l’est tout rêve d’enfant
Et le train de l’écrit passé par mon corps de mère
Vers une seule gare demeurer
Votre solaire événement
Barbara Auzou.
Quelque chose tremble dans l’or pur de ce paysage là et les chemins compliqués du sang sont devenus si limpides qu’on peut les caresser…L’enfant était vouée à tant de soleils, Mon…Seuls les oiseaux discernent ce cri pur de la nudité de l’âme par les choses passées et futures de la vie…
C’est MOI tout entière qui ’embrasse dans cette lumière là….
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Lumière hissée
couleur victoire
La terre torturée demande à naître
A l’oiseau qui tend
l’arbre se fait transbordeur
l’enfant offre son regard pour tout costume
Bon Jour Ma…
N-L
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Près de moi jamais rangées
Tes bottes de sept lieues sont en état de marche
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Pour une fois que le like marche pas
je peux dire j’aime de moi-même…
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L’amour est étranger au Like…Mon
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C’est tellement vrai que ça le fait remarcher, ah quel pitrerie cette marque passe-par-tout…
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Je te rends multipliés les soleils que tu me donnes…
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Plus il pleut plus tu en soleil l’arbre à soie..
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oh ! Très beau ! TOUT !
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Une beauté toute en intimes visages qui gardent, ne montrant que l’espoir en lequel il faut croire malgré tout ce qui voudrait l’anéantir…
Merci Eva.
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Bonjour à tous les deux… J’aime puissamment … Comme toujours… Une bonne journée à tous les deux et je vous embrasse fort.. Merci !!
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Le soleil est le seul pouvoir que l’on peut aménager en toute liberté au point qu’il apparait avec effet aux moments les plus sombres.
Merci Delphine.
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Du soleil que seul la puissance de l’amour peut rendre,
merci Delphine…
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GRILLE
Parler —
Art de laisser filer la sonde dans la profondeur que ne peut soupçonner l’homme de surface, l’homme actif, psychique. Car nous, riverains ou nageurs, toujours nous péririons dans
l’ignorance de l’altitude sous nous, sans la parole qui opère à tout instant le sondage pour nous, et qui ainsi est notre profondeur,
Ecrire, c’est écrire malgré tout. Comme une barque assemblée contre l’Océan sans mesure — et la barque tire sa forme de l’Enorme qu’elle affronte en craignant la
défaite, et différents sont les esquifs autant que les ports d’un pôle à l’autre — ainsi le style est ajointement malgré tout, manière de se jeter à
cœur perdu mesure de l’immense; et chacun reçoit figure de l’aspect que montre l’Elément où de son côté il se trouve jeté, de la terreur déterminée
que lui inspire l’indéterminé.
Faire front dans le tumulte pour m’y lenir à flot, quelque temps, sur l’inconnaissable. —La phrase, ligne de flottaison.
Poésie —
Se convertir à l’origine, irrécupérable pourtant, dont notre langage quotidien en sa demi-lucidité est la métaphore. Elle renverse la métaphore. Elle restitue le
mouvement premier de venue du sens, elle tente de coïncider avec le premier transport de l’être au cerveau. Elle aime à prendre à rebrousse-pente les inclinations de notre
langue, les tendresses premières venues, les familiarités enfouies avec les choses, celte première habitude qu’est la nature, les privautés inconscientes parce qu’elles
« vont de soi » ; tout le simple est reconsidéré comme dérivé lointain d’une aube où il fut contracté — sans contrat.
Cette folle croyance : qu’ici, lové dans la matrice du monde, attentif, il pourra naître ; que cela va sourdre ; et que la vérité en mots simples viendra.
Les modes profonds de l’être qui se muent pour nous incessamment en tout ce qui est, en ce spectacle, en cette rencontre : toute l’ésoté-rique liturgie de puissances non visibles
mais promises à l’aimante vue mi-close de la pensée, cela va se dérouler… Toute la hiérarchie se révèle maintenant — trop tard.
Car entre-temps tout est devenu apparence, et toute différence insupportable, provoquant l’insurrection. On a décidé alors de rapporter cette différence, la différence
en général, à l’accident historique, à un désordre humain : étant bien entendu que tout est une affaire humaine, que tout cela se passe entre hommes ! Ainsi le
début, c’était le temps du non-sens, le pas-encore-humain, un désordre vraiment considérable et pas mal résorbé aujourd’hui ! Toute l’Histoire serait alors
mouvement de revenir sur ces différences pour les dénoncer, les désarmer ; et ce dont nous souffrons encore aujourd’hui, malgré nos beaux efforts, rien d’autre que l’urgence
soudaine de « problèmes » en moratoire depuis des millénaires, en souffrance trop longtemps, qu’il va falloir liquider. Exemple : les enfants, les femmes, les races… Ils
se pressent aux guichets de la Raison Dialectique Politique, conscients de leur horrible état de sujétion, affamés. « Attendez, attendez, votre tour va venir… »
L’ordinaire c’est l’auberge ; l’ordre c’est la halte. Tout était conçu comme logis où rentrer ; femme, famille, paumes des enfants, c’était organisé comme chez soi,
pour y reposer. Or elles se sont impatientées de ce chemin des hommes qui se perd au-dehors, et de leur visage hagard. Elles se lassèrent du devoir de ne pas les empêcher de
repartir ; elles entendent sortir aussi. La halte se délabre.
Il cherche origine en l’instance des autres ; il devient façade, « recommence a zéro » pour les prendre à témoin de sa naissance. Il cherche assistance,
Anadyomène du Léthé. Irascible.
Originalité du langage ; c’est l’être ajouté ; le supplément, le verbe être le marque. Dès le langage tout se met à Etre… séparé de soi et
ré-uni à soi par le langage qui dit l’être. « À est A ».
Il multiplie le monde par lui-même. Il est le pouvoir de séparer de soi à l’infini toute chose pour pouvoir la rassembler et ainsi la reconfier à son être.
La parole est langage. Le langage s’embarrasse dans sa propre contingence ; miroir introduit dans le monde, au cœur de chaque être, il introduit le problème supplémentaire
de sa faclicité, de son propre reflet en lui-même. Puissance du langage qui culmine aujourd’hui jusqu’à la destruction du monde.
Une analyse scientifique du langage peut sans doute rapporter les mots comme phénomènes à la biologie de la phonation, car le langage s’incarne dans la matérialité
phonétique ; mais en quoi est-ce l’origine du langage ?
Peut-être le charme d’une phrase exclamative qui commence par Oh…, ou invocative par 0…, vient-il de ce que le long frémissement encore inarticulé de l’apostrophe qui est son
avant d’être sens répète, mais symboliquement, comme la naissance du langage en l’émotion, célébrant un rite d’origine où l’on assiste à la figure de ce
qui se lève, aube nécessaire.
De même qu’il y a une syntaxe de la peinture, et qu’on peut demander ce que le peintre choisit de laisser paraître, de même… Mais le peintre est en présence du spectacle,
tandis que la parole ? Le mystère du langage est que le rapport au monde est dérobé : d’où les hypothèses fantaisistes sur sa naissance — Langage
ingénéré.
Il semble que nous n’ayons plus le terme de référence que nous avions pour la peinture. Car l’être, c’est cette dimension sans précédent qui vient à nous par le
langage. Le langage peut se rapporter au monde grâce seulement à ce pouvoir de nomination de l’être, qui est sa propre essence. L’être est en le langage celé comme sa
vocation au monde.
Tout style ne serait-il pas comme une grille sur un retrait premier, un dédit fondamental ? Ce qu’il laisse transparaître alors dépend de la manière dont l’écrivain s’y
prend pour faire paraître — manière de discerner, de circonscrire l’invisible.
Or une parole organisée précède en fait la parole organisante, cherchante. Car la syntaxe commune, et enseignée, fut premier lieu d’intelligibilité à soi, avant
l’asthme poétique.
La stylistique ne devrait-elle pas donc mesurer la différence, c’est-à-dire la manière dont la parole parlante malmène la parole parlée, la fait souffrir pour lui
extorquer ce qu’elle peut dire. L’intention profonde, inconnue de l’écrivain lui-même, apparaîtrait peut-être. La stylistique jouerait le rôle d’un décryptage
ontologique.
Pour comprendre un écrivain, réassister de l’intérieur, après des exercices d’entrée en résonance avec son rythme, à cet entraînement, cette fuite en
avant qu’est le style, cette manière de tournoyer, de s’emporter autour d’une obscurité préférée ; le style lutte de vitesse avec la répulsion qui émane de ce
centre, pour remonter vers lui à contre-tourbillons, et le circonscrire.
Parlant sous inspiration — on dira aussi bien : de nécessité ; ou : en toute liberté — l’écrivain en prend à son aise avec la langue ; prend ses aises ;
c’est cette aise qu’il s’agit de mesurer en quelque sorte.
Le critique est celui qui parle un espéranto, mais assez intimement pour pouvoir apprécier la grâce qui a visité les autres, c’est-à-dire leur différence. Une
reuvre est événement dans le langage — ensuite, ce sera peut-être un événement historique, sociologique ou autre.
Ecrivant, l’homme s’ingénie; lutte très intime, la plus intime peut-être, de la liberté (ingenium) et de la nécessité (langue) ; combat violent de la liberté
avec soi-même, car elle est depuis toujours déjà confondue avec ce langage qui la lie en la douant de parole — toujours un oiseau dans les rets, qui les soulève à
en mourir.
De la pensée au regard : sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Sensible prétexte. La pensée se demande de quoi; cherchant « de quoi », elle improvise; mécontente
des barreaux d’os.
La pensée est, astreinte à puiser au spectacle les mots de son dire. Les mots qui disent originalement le rapport des choses offert à la vue, l’agencement de choses, cette
première syntaxe (du) visible est donc, transportée de toujours dans la parole comme la syntaxe même de celle-ci et sa propre étoffe, l’incontournable figure qui donne
à notre pensée sa configuration ordonnée à son très profond désir de dire ce qui est : toute parole est figurée, parabole ; tout logos est topologie. La
présence d’esprit, présence à soi-même, n’est ainsi possible que par une syntaxe, qui est agencement d’être des choses — ontologie.
Pourtant notre désir est de dire l’être sans figure !
La pensée est parole ; et y a-t-il quoi que ce soit dans le langage qui ne vienne pas du monde, qui ne recueille le primordial signe des choses ? Tout mot ne dit-il pas, par son sens
premier, un moment ou un mouvement du monde, un fragment du spectacle ? La pensée scrute et veut rejoindre le sens du monde à partir d’une puissance sémantique qui doit tout au
monde, car il est le premier sémaphore. Ainsi, la pensée est-elle, par ses yeux, frappée d’une lumière qui l’aveugle, vouée à une visibilité qui ne cesse de
la décevoir.
Le monde se fait voir à la pensée en lui donnant comme langage les moyens de le voir, et cependant le langage ne cesse, à partir du désir foncier qui l’anime, de parler
comme s’il occupait un point de vue hors du monde, comme s’il provenait d’ailleurs, comme s’il n’était pas dans son essence et sa texture un premier et fondamental transport du visible
à la pensée, une originelle méta-phore, et ainsi seulement pouvoir de nomination. La tâche de la pensée est donc impossible. Le cercle de la métaphore, espace de
la pensée, est tel que, transport du sensible au sens et retour du sens au sensible, il n’est pas possible de déterminer une origine, un sens premier, un sens de la rotation. C’est
pourquoi le style est essentiellement métaphorique ; le langage est une symbolique qui renvoie au symbole du monde dont il provient ; ainsi, tout est symbole, mais de quoi ?
Mais une étymologie fondamentale nous renverrait-elle toujours aux choses comme à ce qui aurait eu le premier mot ? 11 se peut que tout ne puisse être dit grâce au spectacle
; que le figuratif des choses n’épuise pas tout le mystère. Si l’homme en effet n’est pas seulement un « repli dans l’être », il doit y avoir de la
révélation, de l’historique non figurante, une Parole qui se soutient de sa propre autorité, et qui prend elle-même ses allégories dans les choses. Le langage ne peut
dériver entièrement de rien de naturel.
Question : h quoi peut bien se montrer dans la texture du langage son irréductibilité foncière au naturalisme ?
Et le langage philosophique ? Ce qu’il vise n’est pas en dehors de lui ; il se recourbe donc sur soi ; attentif à une sorte de révélation incessante, au plus près de mon
être, source de mon être, qu’il voudrait capter sans médiation, mais dont il est l’immédiate médiation.
Peut-être philosopher est-il l’inlassable endurance de l’absence de fondement, ou néant, qui se mue toujours en stupeur devant la présence de ce qui est ; expérience du
néant qui se rejette toujours déjà à l’être ; qui devient en quelque sorte homme-aux-prises-avec-1’être. Philosopher doit demeurer fidèle au questionnement
sans repos de cette origine, qui parle comme étonne-ment foncier devant ce qui est.
L’homme est philosophique; c’est dire qu’il est philosophé par le passage au travers de son être de ce jaillissement dont la trace va s’appeler tout de suite philosophie, —
trace œuvre. La source se cache dans son propre flux ; elle disparaît dans la fécondité de son sourdre. Penser c’est consentir à ce désir, qui nous constitue, de
remémorer le sourdre indicible ; c’est comme tenter de se convertir à la nuit d’où sort toute aube, et que les yeux, qui sont faits pour le lumineux, ne peuvent voir —
tentative quasi suicidaire de gagner sur cette dérobade de l’originel pour le pressentir, recul de dos au plus près du foyer de notre être qui est abîme, perte
d’être.
Mystique du visible ! Etre favorisé à l’égard du monde de ces très saintes visions dont les visionnaires nous ont rapporté qu’en elles ils ne voyaient plus rien,
passant par-dessus le monde. Secoué par celte contradiction.
Car nous lisons distraitement ; ce que nous aimons c’est l’acte de naissance des paroles sous nos yeux, quand elles zèbrent, évanouies déjà, notre nuit.
La plus belle lecture vaut-elle la plus tremblotante de nos illuminations ? Nous écrivons parce que nous ne savons pas comprendre. Nous exigeons du monde ses éclairs. Il se
révèle lui-même, car c’est encore de lui que provient la lumière qui le traverse, par où il se donne en spectacle. Il ne cesse de recommencer à naître pour
nous ; il se reforme sous nos yeux, célébrant la liturgie de ses épiphanies pour quelques fidèles. Moments où paraît ce qu’il veut dire : il n’y a qu’à lire
et l’éclair entoptique aveugle encore notre mémoire refermée. Profonde rêverie. Peut-être alors le juste récit est-il celui qui ne prétend pas nous livrer une
peinture sincère, mais qui prend son parti plutôt, de connivence même avec l’inévitable déception du lecteur, de l’insuffisance de l’œuvre à combler un autre,
et regagne ainsi notre attention.
Michel Deguy
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Poésie…le premier transport de l’être qui fait glisser l’âme au fond du corps….
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Poésie…seul image de l’âme reconnaissable…
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Source à boire…et à protéger…
Mon âme héliotrope est tournée vers toi….
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Le jardin en Elle
y copte taire…
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Un jour,
La femme pâquerette
Saura le bonheur
De retrouver la chaleur.
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Marguerite je crois a tout dit , elle qui aurait aimé pouvoir écrier ce qui ne s’écrit pas!
Merci ma biquette
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Ton chant
Étalé de tes mains
Dévoile à perte de vue
La mer
Là
Blottie derrière
Qui m’atteint d’embruns
Ta prédiction
Julie
Brûlante de soleil
Est…
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Un poème de la blessure, une peinture de ferveur et la jonction habitée….. que demander de mieux !!! . ————–.
» Le centre est là
où se révèlent
Un oeil qui voit
Un coeur qui bat » …….
Merci à tous les deux de tant …….
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LE VASTE MONDE
Où faut-il qu’on aille
Pour changer de paille
Si l’on est le feu
À moins qu’il ne faille
Si l’on est la paille
Fuir avec le feu
La paille est si tendre
Mais vouloir l’étendre Étendra le feu
Qu’on tente d’étreindre
Or il faut l’éteindre
Le long pour l’un pour l’autre est court
II y a deux sortes de gens
L’une est pour l’eau comme un barrage et l’autre fuit comme l’argent
Le mot-à-mot du mot amour à quoi bon courir à sa suite
Il est resté dans la
Dordogne avec le bruit prompt de la truite
Au détour des arbres profonds devant une maison perchée
Nous avions rêvé tout un jour d’une vie au bord d’un rocher
La barque à l’amarre
Dort au mort des mares
Dans l’ombre qui mue
Feuillards et ramures
La fraîcheur murmure
Et rien ne remue
Sauf qu’une main lasse
Un instant déplace
Un instant pas plus
La rame qui glisse
Sur les cailloux lisses
Comme un roman lu
Si jamais plus tard tu reviens par ce pays jonché de pierres
Si jamais tu revois un soir les îles que fait la rivière
Si tu retrouves dans l’été les bras noirs qu’ont ici les nuits
Et si tu n’es pas seule alors dis-lui de s’écarter dis-lui
De s’é-car-ter le temps de renouer ce vieux songe illusoire
Puis fais porter le mot amour et le reste au brisoir
On a beau changer d’horizon
Le cœur garde ses désaccords
Des gens des gens des gens encore
De toute cette déraison
Il n’est resté que les décors
Elle amenait à la maison
Des paltoquets et des pécores
Je feignais lire
YInprekor
Comme un jour fuit une saison
Il n’est resté que les décors
On a beau changer de poison
Tous les breuvages s’édulcorent
Toutes les larmes s’évaporent
Des fièvres et des guérisons
Il n’est resté que les décors
On a beau changer de prison
On traîne son âme et son corps
Les mois passent marquant le score
De tant d’atroces trahisons
II n’est resté que les décors
Le cœur ce pain que nous brisons
Que les sansonnets le picorent
J’aurais dû partir j’avais tort
Aux lueurs des derniers tisons
Il n’est resté que les décors
À chaque gare de poussière les buffles de cuir bouilli
Les gardes qui font un remuement d’armes et bottes noires
Devant les buffets de piments et d’orgeat
Des femmes sur leurs ballots sombres
Yeux d’olive visages d’huile
Quel est donc ce pays de soif et de bucrânes
Nous roulons sur la terre cuite.
Où sommes-nous
Il n’y a sur la toile énorme qu’un âne et qu’un homme
Une cruche d’ombre un pain bis un oignon
Et le vallonnement uniforme où nous nous éloignons
Le train s’en va comme un caniche
Sous le couchant drapeau de
Catalogne
Primo de
Rivera
En ce temps-là dans les hôtels les domestiques
Surveillaient les voyageurs par le trou de la serrure
Afin que tout fût bien selon l’Église
Dans les premiers froids de
Madrid
J’habitais la
Puerta del
Sol
Cette place comme un grand vide
Attendait quelque nouveau
Cid
Dont le manteau jonchât le sol
Et recouvrît ces gueux sordides
Qu’on jette aux mendiants l’obole
Montrez-moi le peuple espagnol
Primo de
Rivera
Il y avait au
Prado ce qui ne se montrait pas dans
J’ai reconnu le garçon d’hôtel espionnant à la porte
Dans un dessin de
Goya
Ce peintre apprend mieux que personne
L’Espagne et son colin-maillard
Mais par-dessus tout il m’étonne
Me serre le cœur et lui donne
Le secret de ce cauchemar
Par cette épouvante d’automne
Dans un tableau fait sur le tard
Le grand goudron de
Gibraltar
Primo de
Rivera
J’ai parcouru les sierras
Où la procession des villes se lamente
Tolède
Ségovie
Avila
Salamanque
Alcala de
Henarès
Passant les bourgs de terre cuite
Les labours perchés dans les airs
Sur un chemin qui fait des huit
Comme aux doigts maigres des jésuites
Leur interminable rosaire
Le vent qui met les rois en fuite
Fouette un bourricot de misère
Vers l’Escorial-au-Désert
Primo de
Rivera
Une halte de chemin de fer à mi-route entre l’hiver et l’été
Entre la
Castille et l’Andalousie
À l’échiné des monts à la charnière sarrasine
Un jeune aveugle a chanté
D’où se peut-il qu’un enfant tire
Ce terrible et long crescendo
C’est la plainte qu’on ne peut dire
Qui des entrailles doit sortir
La nuit arrachant son bandeau
C’est le cri du peuple martyr
Qui vous enfonce dans le dos
Le poignard du cante jondo
Primo de
Rivera
Primo de
Rivera
Primo de
Rivera
ô bruit des wagons dans la montagne bruit des roues
Et tout à coup c’est le mois d’août
Un souffle sort on ne sait d’où
L’odeur douce des fleurs d’orange
Le grand soir maure de
Cordoue
Qu’au son des guitares nomades
La gitane mime l’amour
Les cheveux bleuis de pommade
L’œil fendu de
Schéhérazade
Et le pied de
Boudroulboudour
Il se fait soudain dans
Grenade
Que saoule une nuit de vin lourd
Un silence profond et sourd
Primo de
Rivera
Le verre est par terre
Un sang coule coule
Dommage le vin
Du bon vin
Lorca
Lorquito
Lorca c’était du vin rouge
Du bon vin gitan
Qui vivra verra le temps roule roule
Qui vivra verra quel sang coulera
Quand il sera temps
Sans parler du verre
Qui vivra verra
Il se fait soudain dans
Grenade
Que saoule une nuit de sang lourd
Une terrible promenade
Il se fait soudain dans
Grenade
Un grand silence de tambours
Louis Aragon
Merci Jane.
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