La montagne s’incline sous la caresse du ciel.
Surgie des mousses une tortue guette le soir.
Fougères d’étoiles dans la nuit des pierres votre sève bat le temps de vitesse.
Sans l’eau
le pont s’écroule.
Les stèles de la nuit éloignent la tempête des îles où le sage apprend à ne pas mourir.
La mousse et le lichen opposent leur sérénité à la mobilité des feuilles.
D’inclinaison calculée l’architecte a meublé l’espace du monde.
L’eau n’a pas de prise sur le dos de la baleine.
Ici l’eau ne coule pas mais irrigue de l’intérieur les veines du dragon.
D’une montagne l’autre il existe des ponts éclaboussés d’immobile par des cascades minérales.
La fourmi tapie dans la bruyère ne craint ni l’aigle ni le tigre.
Quand les feuilles à l’automne parsèment la peau du dragon céleste celui-ci ose à peine montrer les dents au voyageur amoureux de l’île et de la cascade.
Dans l’eau le sang des azalées rougit les nénuphars.
Quelques cygnes témoigneront de la beauté du sacrifice.
Cette racine a resurgi en une source ligneuse remontant vers elle-même jusqu’aux frontières du vivant.
L’avenir de mon regard l’accompagne.
Au jardin de la promenade nonchalante
les fleurs d’un cerisier rose
sont les éclats de la pierre dressée
en l’honneur du sage qui a su dire non.
Quand la terre bougeait encore
cette pierre a voulu tourner
sur elle-même pour continuer
à témoigner de sa longévité tranquille.
Lente marée des mousses aux ailes des fougères.
Un roc bascule doucement vers cet océan souple où la guerre des insectes est plus belle que la soie.
La sève encadre la pierre un orage de feuilles rougit les forteresses.
De la neige rejoint dans les saignées du râteau l’étang, immobile tortue.
Ce sont des îles mobiles sentinelles de continents à la dérive sous les veines du dragon.
A l’abri des lichens elles veillent sur les vibrations du sable et les contours de la lumière.
Au large un voyageur accepte le naufrage espéré.
J’ai répandu le sel aux plumes de l’oubli.
Rien ne repoussera sinon les serres de l’aigle sur la laine du mouton.
Une cascade éclabousse
l’aspiration de l’architecte
à bâtir un mur
contenant tous les remparts.
Devenir ce mur
où l’argile coule à marée basse
vers le mauve huileux des siècles
y mêler ce lézard
ces tigres ces forêts
dont l’impatience cogne aux portes.
Ordonné comme ce jardin sec
un monde alvéolaire est ma géométrie.
Je la regarde elle me voit
quand je tente de déchiffrer
le message de ses polyèdres.
Dans les nervures de la feuille
j’instille des rivières d’or.
Regardez leurs méandres
battre en brèche l’orgueil des boussoles
bafouer le tracé de tous les portulans.
Je dis la neige sous le jais le saphir mêlé à l’écume quand la vague ratisse à l’aube les écueils moussus d’étemel.
Une armée de galets bute aux reflets de l’étang.
La guerre n’aura pas lieu grâce à la vigilance du pin-sentinelle.
Je suis un éclair blanc
qui zigzague au cœur de la matière.
Mon œil est lent à parcourir
la montagne sortie de l’œuf.
Avant moi le soleil
était un pur joyau
qui enchâssait la nuit
du premier au dernier abysse.
Pour faciliter le mystère
j’ai transformé l’orfèvrerie
en simple mécanique céleste.
J’ai voulu le désert
et j’ai voulu le lac
tantôt en les mêlant
vrais ou imaginaires
aux colères du sable et du vent
tantôt en noyant l’un
par le sommeil de l’autre
comme dans les yeux des lions.
Méduse ou anneau de
Saturne tout est bon à ma jonglerie dans les coulisses de l’espace.
Sur terre je change des rubis en grappes de groseilles pour jouer aux billes avec l’été.
Dans un trou d’épingle percé au cœur d’un continent de nacre j’ai noyé le regard de tous les océans.
En grand deuil de marées quelques lunes s’agitent.
Je guide la barque des morts vers des planètes aquatiques où l’âme flotte entre déluges et dynasties de faucons.
Quand le soleil brise l’émeraude
je sacrifie un guerrier
aux délires de la puissance.
Vos masques sont les miens
peuple du vain combat
mais leurs yeux ont le goût du vide.
Mon rêve est maelstrom de sang
au fond duquel le corps se recompose
une meilleure fluidité
pour affronter les massacres.
«
Regardez, ceci n’est pas la souche d’un vieil arbre abattu mais la base d’une colonne par laquelle votre esprit pourra s’élever jusqu’au ciel si vous en devenez l’architecte. »
«
Regardez, ceci n’est pas un rocher arrondi mais la carapace d’une tortue âgée de dix mille ans.
Si vous apprenez son langage, vous percerez à jour tous les secrets du monde. »
«
Voyez combien est pur le plumage blanc de ces canards.
Quand votre esprit aura trouvé la même pureté, vous flotterez comme eux sur l’étang de
Kyoyochi. »
«
Perdez-vous dans la mousse comme s’y perd la fourmi et la fougère vous enseignera l’humilité. »
«
La pierre que tu ne vois pas est la seule qui compte au moment où tu regardes les autres: elle est le silence de ton œil. »
«
Quand les eaux de la rivière frappent la pierre la plus haute, elles se partagent et s’élancent vers de nouvelles directions.
Si tu veux les suivre, choisis entre la grue et la tortue. »
«
Si tu veux aller d’une montagne à l’autre construis un pont sur la rivière immobile. »
«
Si tu veux interrompre le rêve rocheux de la cascade, acquiers la sagesse du lichen. »
«
Ouvre le monde aux gisants de la terre qui dorment sous les massifs d’azalées. »
«
Quand la lumière de l’eau encercle une île à la dérive deviens le maître des vagues. »
«
A moins de savoir où vit, de quoi se nourrit et ce que pense le dragon, impossible de l’abattre, d’espérer l’avoir à sa table ou de s’en faire un ami. »
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