
ENTRE TIEN EMOI 54
Roux d’un poil de sang le renard la gueule pointue rentre des dents. Sous le grillage de basse-cour se presse la poitrine. Le dos de la chaise frémit. La mort supposée sent passer un rai moins moribond que les déceptions successives. La vie sans comprendre éprouve l’espoir sans se poser de question véritable. L’amour n’est-il pas autodidacte ? L’à prendre par soi-même qui n’en doit pas passer par là ?
Voulez-vous parlons d’autre chose
Il y a des esprits moroses
Des esquimaux des ecchymoses
Desnos disait des maux exquis
Il neige sur les mots en ski
Chez qui chez qui
On ne meurt plus que de cirrhose
On ne lit plus que de la prose
On s’en paye une bonne dose
Desnos disait que c’est la vie
La prose et peignait au lavis
Ce bel avis
Le dernier poème où l’on cause
Le dernier laïtou qu’on ose
Où ai-je mis le sac à
Rrose
Desnos ne vous a pas dit tout
Ni pourquoi les jolis toutous
Vont à
Chatou
Il faut prendre à petite dose
Les lapins animaux qu’on pose
Dans les bois de
Fausse-Repose
Si l’on veut les points sur les i
On a perdu la poésie
A
Vélizy
C’est par un matin de nivôse
Sur l’autoroute l’auto rose
D’un oto-rhino l’on suppose
En passant qui laissa tomber
Dans un numéro de
Libé
Le beau bébé
Il règne des vues diverses
En matière de divorce
On n’en tranche point en
Perse
Comme en
Corse
Il y a des gens simplistes
Devant la gare de l’Est
Qui reprochent aux cyclistes
D’être lestes
Un camelot vend de la crème À raser boulevard du
Crime
Tandis qu’à maquiller les brèmes
Un maquereau s’escrime
C’est un sale métier que de devoir sans fin
N’étant coupeur de bourses
Bonneteur charlatan monte-en-1’air aigrefin
Vendre la peau de l’ours
A
Paris les fourreurs écrivent en anglais
Selon d’anciennes mœurs
Le mot furs que la rime enseigne s’il vous plaît
À mieux prononcer
FURS
Cela n’attire plus les clientes blasées
Par ces temps de be-bop
Et ni le lapin russe ou le mouton frisé
Dans leurs tristes échoppes
La martre-zibeline allez c’est plus joli
Sur
Madame en
Packard
Que quand le paradichlorobenzène emplit
Le nez et les placards
On demeure parfois pendant des jours entiers
Tout seul dans sa boutique
Et cette odeur de peaux qu’il faut que vous sentiez
N’est pas très romantique
L’opossum à la fin c’est tout aussi lassant
Que la loutre marine
Oh qui dira l’ennui qui prend le commerçant
Derrière ses vitrines
Quand je pense pourtant aux perceurs de plafonds
Dont la vie est si dure
Au cinéma j’ai vu comment ces gens-là font
Et
Dieu sait si ça dure
À ceux qui pour avoir le respect du milieu
Et de belles bottines
Livrent leur sœur cadette à de vilains messieurs
Pour des prix de famine
À ces voleurs d’enfants que de stupides gens
Familles inhumaines
Faute de déposer dans un arbre l’argent
A l’assassinat mènent
À ceux pour hériter qui se trouvent réduits
A saigner dans des cuves
Des femmes qu’en morceaux fort longuement on cuit
Sur un fourneau
Becuwe
Je me dis caressant mes descentes de lit
Mes manchons mes écharpes
Qu’il ne faut pas céder à la mélancolie
Et se joindre aux escarpes
Qu’un magasin vaut mieux que de faire en prison
Des chaussons de lisière
Et mieux cent fois brosser les manteaux de vison
Que buter les rentières
Mieux lustrer le renard que d’aller proposer
L’héroïne à tant l’once
Mieux chez soi demeurer où sont entreposés
Le castor et le skunks
Et puis qu’on ait ou non vendu son chinchilla
Son hermine ou son phoque
Il vous reste du moins cet amer plaisir-là
Vitupérer l’époque
Vous direz ce que vous voudrez
Mais le progrès c’est le progrès
Tout change et se métamorphose
Avec le temps il est des choses
Qu’on croyait de bon placement
Et qui n’ont duré qu’un moment
Par exemple l’eau de mélisse
Dont nous avons fait nos délices
Croyez-vous toujours qu’il y a
Des
Dames au
Camélia À présent mourir poitrinaire
Est tout ce qu’on fait d’ordinaire
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Qu’un banquier voulût se choisir
Pour successeur tout à loisir
Un jeune homme propre et rangé
Il lui suffisait de bouger
Un peu ses rideaux sur la tringle
Et de le voir pour une épingle
Traversant la cour se baisser
Le professeur
Freud est passé
Refermez donc vos brise-bise
Rien de fait sans psychanalyse
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Ceux qui faisaient tirer naguère
Leur ressemblance par
Daguerre
Et qui pour leur salon s’offraient
Un petit
Dagnan-Bouveret
Ah les cochons comme ils ornèrent
Leurs vaches de cosy-corners
Mais aujourd’hui c’est à
Dali
Qu’ils demandent leurs ciels-de-lit
Ils remplacent leurs lampadaires
Par des mobiles de
Calder
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Quand je pense que l’on s’obstine
A user de la guillotine
Moyen qui peut être excellent
Mais un peu lent mais un peu lent
Mandrin de nos jours et
Cartouche
Font enfantin pour ce qui touche
Aux modernes philosophies
La bagnole et le rififi
Il faut bien donner au trafic
Son visage scientifique
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
Il a fui le temps des apaches
Plus de surins et plus d’eustaches
Plus d’entôleuse au coin des rues
La cuisinière de
Landru
Relève de la préhistoire
Depuis qu’on a les crématoires
Qui déjà soit dit entre nous
Font un peu conte de nounou
Quand on pense à ce qu’on peut faire
En passant par la stratosphère
Vous direz ce que vous voudrez
Pour un progrès c’est un progrès
On n’a pas épargné les phrases
Quand
Guillaume employa les gaz À plus rien tout ça ne rima
Au lendemain d’Hiroshima
Sans doute l’homme vient du singe
C’est un singe qui a du linge
Des lettres des traditions
Nous sommes en progression
De l’homme sur le quadrumane
Du pithécanthrope à
Truman
Vous dire ce que vous voudré
Il y a prograis et prograis
Louis Aragon
Dans l’intervalle où la lagune pose l’espace pour combler le manque, une barque glisse, juste des cris d’oiseaux pour la tracter. Impression en tâches de couleurs pointillées. Le poussin a grandi. Le renard transporte sa faim. Sur la voie initiale demeurée pure l’oeuf va éclore prématurément. Il faut un certain temps pour sortir la Merveille de son plan. La buée des étoiles l’arrose à constituer sa nappe.
Niala-Loisobleu – 05/04/19
Mon,
Dans les voix de chacun il y a cette vie que deux corps ont oubliée, c’est aussi un miracle.L’idée de la convoitise ne succède pas aux collections particulières et meurt dans le gain…
Ma douceur durement façonnée tend les paumes aux lendemains. La marche au cordon ombilical est toujours verticale dans le trompe-l’œil du train…
Ensemble faire naître la merveille et son écrin et le miel sous le pansement…
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MERLIN ET LA VIEILLE FEMME
Le soleil ce jour-là s’étalait comme un ventre
Maternel qui saignait lentement sur le ciel
La lumière est ma mère ô lumière sanglante
Les nuages coulaient comme un flux menstruel
Au carrefour où nulle fleur sinon la rose
Des vents mais sans épine n’a fleuri l’hiver
Merlin
guettait la vie et l’éternelle cause
Qui fait mourir et puis renaître l’univers
Une vieille sur une mule à chape verte
S’en vint suivant la berge du fleuve en aval
Et l’antique
Merlin dans la plaine déserte
Se frappait la poitrine en s’écriant
Rival
O mon être glacé dont le destin m’accable
Dont ce soleil de chair grelotte veux-tu voir
Ma
Mémoire venir et m’aimer ma semblable
Et quel fils malheureux et beau je veux avoir
Son geste fit crouler l’orgueil des cataclysmes
Le soleil en dansant remuait son nombril
Et soudain le printemps d’amour et d’héroïsme
Amena par la main un jeune jour d’avril
Les voies qui viennent de l’ouest étaient couvertes
D’ossements d’herbes drues de destins et de fleurs
Des monuments tremblants près des charognes vertes
Quand les vents apportaient des poils et des malheurs
Laissant sa mule à petits pas s’en vint l’amante
A petits coups le vent défripait ses atours
Puis les pâles amants joignant leurs mains démentes
L’entrelacs de leurs doigts fut leur seul laps d’amour
Elle balla mimant un rythme d’existence
Criant
Depuis cent ans j’espérais ton appel
Les astres de ta vie influaient sur ma danse
Morgane regardait du haut du mont
Gibel
Ah! qu’il fait doux danser quand pour vous se déclare
Un mirage où tout chante et que les vents d’horreur
Feignent d’être le rire de la lune hilare
Et d’effrayer les fantômes avant-coureurs
J’ai fait des gestes blancs parmi les solitudes
Des lémures couraient peupler les cauchemars
Mes tournoiements exprimaient les béatitudes
Qui toutes ne sont rien qu’un pur effet de l’Art
Je n’ai jamais cueilli que la fleur d’aubépine
Aux printemps finissants qui voulaient défleurir
Quand les oiseaux de proie proclamaient leurs rapines
D’agneaux mort-nés et d’enfants-dieux qui vont mourir
Et j’ai vieilli vois-tu pendant ta vie je danse
Mais j’eusse été tôt lasse et l’aubépine en fleurs
Cet avril aurait eu la pauvre confidence
D’un corps de vieille morte en mimant la douleur
Et leurs mains s’élevaient comme un vol de colombes
Clarté sur qui la nuit fondit comme un vautour
Puis
Merlin s’en alla vers l’est disant
Qu’il monte
Le fils de la
Mémoire égale de l’Amour
Qu’il monte de la fange ou soit une ombre d’homme
Il sera bien mon fils mon ouvrage immortel
Le front nimbé de feu sur le chemin de
Rome
Il marchera tout seul en regardant le ciel
La dame qui m’attend se nomme
Viviane
Et vienne le printemps des nouvelles douleurs
Couché parmi la marjolaine et les pas-d’âne
Je m’éterniserai sous l’aubépine en fleurs
Femme
Guillaume Apollinaire
Sur les canaux de ton pouls ta blancheur se mire en se mêlant aux chants des gondoliers…
N-L
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*
Toujours tu surgis de la mer
et tu en as la voix rauque,
toujours, tu as des yeux secrets
d’eau vive entre les ronces
un front bas comme un ciel
où les nuages sont bas.
Chaque fois tu revis
comme une chose ancienne,
sauvage, que le cœur
connaissait et il se serre.
Chaque fois, c’est un déchirement,
chaque fois c’est la mort.
Un combat de toujours.
Qui accepte le heurt
a gouté à la mort
et la porte en son sang.
Tels de bons ennemis
qui ont cessé de haïr
nous avons une même
voix, une même peine,
nous vivons affrontés
sous un ciel misérable.
Pas d’embûches entre nous,
pas de choses inutiles –
nous combattrons toujours.
Nous combattrons encore,
nous combattrons toujours,
recherchant le sommeil
de la mort côte à côte,
nous avons la voix rauque,
le front bas et sauvage
et un ciel identique.
Nous fûmes faits pour ça.
Qu’un de nous cède au heurt,
une longue nuit suit
qui n’est ni paix ni trêve
ni la mort véritable.
Tu n’es plus. C’est en vain
que les bras se débattent.
Tant que notre coeur tremble.
On a dit un de tes noms,
et la mort recommence.
Inconnue et sauvage
tu es renée de la mer.
19-20 novembre 1945
Cesare Pavese
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Jusqu’à essorer et tordre la vie…
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