ENTRE TIEN EMOI 41
Branlant à déchausser, la pierre de voûte sortant du trousseau monta à bord d’un vol vers le triangle des Bermudes. Irréductible phénomène soumis à variations de disparition. Comme les problèmes de robinets sont liès aux fuites. La goutte paralyse. Arrachant dans son bain d’urée, d’acides propos qu’on aurait pas soupçonnés une minute avant. On dirait du Monsieur de La Pallice laissant un écrit pour épitaphe: « Cinq minutes avant de mourir il vivait encore ». Donner le bien et voir qu’il est mal reçu trouble l’entendement. Le triste se joint au gai, sol y sombra, où va-t-on ? Nulle part on est en plein dans la confusion où se déroule la vie. Eternel chassé-croisé du sol y sombra. Et cette histoire est vraie il ya bien un grave problème d’eau chez moi…
Niala-Loisobleu – 27 Mars 2019
Il est inutile de geindre
Si l’on acquiert comme il convient
Le sentiment de n’être rien
Mais j’ai mis longtemps pour l’atteindre
On se refuse longuement
De n’être rien pour qui l’on aime
Pour autrui rien rien pour soi-même Ça vous prend on ne sait comment
On se met à mieux voir le monde
Et peu à peu ça monte en vous
Il fallait bien qu’on se l’avoue
Ne serait-ce qu’une seconde
Une seconde et pour la vie
Pour tout le temps qui vous demeure
Plus n’importe qu’on vive ou meure
Si vivre et mourir n’ont servi
Soudain la vapeur se renverse
Toi qui croyais faire la loi
Tout existe et bouge sans toi
Tes beaux nuages se dispersent
Tes monstres n’ont pas triomphé
Le chant ne remue pas les pierres
Il est la voix de la matière
Il n’y a que de faux
Orphées
L’effet qui formerait la cause
Est pure imagination
Renonce à la création
Le mot ne vient qu’après la chose
Et pas plus l’amour ne se crée
Et pas plus l’amour ne se force
Aucun dieu n’est pris sous l’écorce
Qu’il t’appartienne délivrer
Ce ne sont pas les mots d’amour
Qui détournent les tragédies
Ce ne sont pas les mots qu’on dit
Qui changent la face des jours
Le malheur où te voilà pris
Ne se règle pas au détail
Il est l’objet d’une bataille
Dont tu ne peux payer le prix
Apprends qu’elle n’est pas la tienne
Mais bien la peine de chacun
Jette ton cœur au feu commun
Qu’est-il de tel que tu y tiennes
Seulement qu’il donne une flamme
Comme une rose du rosier
Mêlée aux flammes du brasier
Pour l’amour de l’homme et la femme
Va
Prends leur main
Prends le chemin
Qui te mène au bout du voyage
Et c’est la fin du moyen âge
Pour l’homme et la femme demain
Cela fait trop longtemps que dure
Le
Saint-Empire des nuées
Ah sache au moins contribuer À rendre le ciel moins obscur
Qui sont ces gens sur les coteaux
Qu’on voit tirer contre la grêle
Mais va partager leur querelle
Qu’il ne pleuve plus de couteaux
Peux-tu laisser le feu s’étendre
Qui brûle dans les bois d’autrui
Mais pour un arbre et pour un fruit
Regarde-toi
Tu n’es que cendres
Chaque douleur humaine sens-La pour toi comme une honte
Et ce n’est vivre au bout du compte
Qu’avoir le front couleur du sang
Chaque douleur humaine veut
Que de tout ton sang tu l’éteignes
Et celle-là pour qui tu saignes
Ne sait que souffler sur le feu
Mais tout ceci n’est qu’un côté de cette histoire
La mécanique la plus simple et qui se voit
Une musique réduite au chant d’une voix
Il y manque ce qui dans l’homme est machinal
Les gestes de tous les jours qui ne comptent pas
Les pas perdus
Les pas faits dans ses propres pas
Tout le silence et les colères pour soi seul
Tout ce qu’on a sans jamais le dire pensé
Les meurtres caressés les démences chassées
Il y manque tout ce que parler effarouche
Il y manque l’accompagnement d’instruments
Comme d’une barque barbare au loin ramant
Ce qu’on peut tous les jours lire dans le journal
Ce qui vient déranger les rêves à tout coup
Ce qu’on n’a pas choisi qui soit et vous secoue
Il y manque avant tout les tremblements de terre
Et comme on se sent jusqu’à l’os humilié
Un jour à rencontrer un regard spolié
Il y manque le hasard au tournant des routes
Les passions les occupations qu’on a
Et l’art comme le vin des
Noces de
Cana
Tenez
Qu’est-ce pour vous ce voyage en
Hollande
Où vous ne verrez pas ces étranges statues
Devant la mer comme des fauves abattus
Qu’un trafiquant naguère apporta dans des caisses
Avec cent autres merveilles des pays chauds Échafaudages peints d’encre d’ocre et de chaux
Mis à intervalles réguliers sur la terrasse
A tout jamais sur les steamers qui tourneront
Le coquillage vert et roux de leur ceil rond
Que comprenez-vous au jeune homme dont je parle
Si vous ne connaissez chez lui ce goût profond
Des sculptures qu’au bout du monde des gens font
Et comment s’expliquer son voyage à
Genève
Que fait-il à
Cardiff dans la saison des pluies
Au
Caledonian
Market est-ce encore lui
Qui cherche avidement des dieux dans la poussière
Vieux continent de rumeurs
Promontoire hanté
Nous nous sommes fait d’autres idoles
Il y a des reposoirs dispersés à ces religions non écrites
Souvent comme une profanation secrète des autels apparents
J’ai traversé l’Europe
Je me suis assis un peu partout sur des pierres je me suis
Arrêté dans le pays des rêves
Combien de fois ai-je été voir à
Anvers la braise d’or de tes cheveux ô
Pécheresse
À
Strasbourg la
Synagogue aux yeux bandés comme dans la chanson de celui qui tua son capitaine
Le squelette de
Saint-Mihiel le
Portement de
Croix à
Gand
Le visage régulier de
Bath qui semble une place
Vendôme
Le
Rhône comme un batelier fou débarquant les corps des tués aux
Alyscamps
Et le beau
Danube jaune
Quelque part entre
Lausanne et
Morges ces coteaux étayés de murs bleus où mûrissaient les vignes de
Ramuz
Uzès
Le jeune
Racine s’y accoude à la terrasse des clairs de lune
Sospel à chaque fois les pins incendiés comme pour y mieux effacer les traces de l’exil et
Buonarroti proscrit
Mais il y a des pays qui n’ont pas de nom dans ma mémoire
Des gares où j’ai perdu deux heures pour attendre un train
Des villes qui ne sont que passage d’arbres flottés sur leurs fleuves
Un désert d’entrepôts dans un port qu’emplit une futaie l’hiver
De hauts réservoirs dans la montagne
Des villages de soleil et de froment
Une région de fontaines bruissantes je ne sais où sans carte en automobile et que je n’ai jamais retrouvée
Des chemins de crête poudroyants de lumière
Et dans l’à-pic des rocs cette chapelle d’ombre où
Charles
Quint s’humilia
J’ai voulu connaître mes limites
Et ce n’est pas assez de
Brocéliande ou
Dunsinane
De la
Forêt-Noire et de l’Océan
Car j’ai dans mes veines l’Italie
Et dans mon nom le raisin d’Espagne
Est-ce que je ne suis pas sorti de ce domaine de cerises
Où est ma place
Est-elle avec ce passé des miens
Femmes de chez nous le pied court et la jambe haute
Les petits cheveux bouclant sur la nuque dont vous étiez si fières
Avec sous la peau blonde et transparente ô lionne
Le sang lombard des
Biglione
Et le goût des pleureuses à dramatiser la parole
Où roule cet écho profond de l’oraison funèbre
Cette voix d’hier douce et voilée
De
Jean-Baptiste
Massillon aux
Salins-d’Hyères
Est-ce que j’appartiens encore à ce monde ancien
Où est la clef de tout cela
Je vais je viens
Faut-il toujours se retourner
Toujours regarder en arrière
J’ai traversé retraversé l’Europe
Et je traînais dans mes bagages
Quelques livres couverts de feu
Qui venaient du
Quai de
Jemmapes
Comme c’était écrit dessus
Ils parlaient d’un pays la moitié de l’année enfoui dans la neige avec le vent qui siffle à travers les maisons de bois les péristyles à colonnes des demeures
nobles
Les palissades des chantiers beiges grises dentelées
Tout un peuple dans les haillons d’un empire veillant coupant en deux ses cigarettes le fusil
Entre les mains de chaque homme
Les journaux muraux
Et la débâcle et les chansons
Mais tout ce qu’ils disaient ces bouquins au parfum d’interdit
Ils le disaient dans un langage austère et grisant comme un renoncement des poètes
Le vocabulaire abstrait d’une expérience inconnue
Moi je lisais tout cela sans bien comprendre
Comme devant l’obélisque à
Louksor les soldats regardent les signes humains
D’idéogrammes indéchirTrés
Des choses pourtant toutes simples
Sans entendre
Par la campagne le printemps détrempé
Sans voir
Les villes de meetings pleines à déborder d’une passion qui recommence
Et la débâcle et les chansons
Qui a raison d’entre ces hommes
Avec leurs noms compliqués dans le mirage des
Révolutions
Je me perds dans les schismes
Qui a raison
Qu’ai-je besoin du sablier des
Sabéens des
Sabelliens
Je demande ici la vérité des Évangiles
Or j’avais commencé
Lénine à la façon de
Raymond
Lulle ou
Saint
Augustin
Je le tire de ma valise à
La
Ciotat
A
Ustaritz ou à
Saint-Pierre-des-Corps
Bien des choses me sont obscures
D’être écrites précisément dans le parler de chacun
J’avais-t-il oublié le sens élémentaire des mots
À chaque vocable employé je mesure mon ignorance
Il faudra
Il faudra que je reprenne tout du commencement
Tout traduire
Et la débâcle et les chanson
Louis Aragon

j’avais peur d’être noyée….
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