La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Horizon happé, s’agite un fantasme hippie, sorte de retour à l’origine. Brouhaha. D’abord ceux qui comprennent jamais mais qui s’expriment en premier tapent du pied. Comment, quoi, il faut accepter de réformer comme un vice sans fin car c’est le seul moyen de faire semblant de vouloir tout en reconnaissant ne pas pouvoir. Dans les temps morts entre deux reprises de réunion on glisse du Johnny caisse qu’elle a ma gueule, un deuil de Céline Dion, un retrait de Lloris, quelques soucis princiers, un gorille sous protection, les promesses de rapport d’une frigide, un aveu menteur, une offre d’affinités en promo, les foires au vain…
Chut rien à dire sur les malades qui renoncent à se faire soigner parce qui sont sans son, pas vers au nique.
Peter Sloterdijk ou le gai savoir du temps présent
A 70 ans, le « colosse de Karlsruhe » est l’un des penseurs les plus stimulants et érudits de l’Europe des idées.
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Nicolas Truong
Peter Sloterdijk, à Cologne en 2016. Le philosophe est un de ceux qui ont le mieux analysé le phénomène de la globalisation. Henning Kaiser/dpa/AP
Peter Sloterdijk est un agitateur métaphysique, un romancier du concept, un intellectuel omnivore. Tout, chez lui, est matière à méditation, de la guerre des monothéismes à l’essor de la globalisation, du triomphe de Donald Trump à l’élection d’Emmanuel Macron. Avec sa célèbre trilogie des Sphères (Bulles, 2002, rééd. Fayard/Pluriel 2011 ; Globes, Fayard/Pluriel, 2010 ; Ecumes, Libella-Maren Sell, 2005), œuvre foisonnante de plus de deux mille pages, il a décrit la morphologie générale de l’esprit humain qui se protège de l’insécurité existentielle par de multiples bulles protectrices, religieuses ou métaphysiques, commerciales ou politiques.
Il est de ce fait un de ceux qui ont le mieux analysé le phénomène de la globalisation qui parachève cette « sphérologie » audacieuse (Le Palais de cristal, à l’intérieur du capitalisme planétaire, Libella-Maren Sell, 2006). Le monde des Grecs nous englobait (avec ses corps célestes et la voûte étoilée), celui des grands explorateurs éprouvait la rondeur de la Terre par voie de mer (avec la circumnavigation), celui d’aujourd’hui nous permet de fairevenir le monde à nous sur nos écrans miniaturisés : « Nous englobons le monde. »
Renverser les valeurs
A 70 ans, retraité de la fameuse Hochschule für Gestaltung (université des arts et du design) de Karlsruhe (Allemagne), dont il fut un temps le recteur, il demeure également un infatigable polémiste. Un trublion qui veut en finirnotamment avec la « fiscocratie » de nos sociétés (Repenser l’impôt, Libella-Maren Sell, 2012), au risque de s’attirer les foudres des progressistes allemands, le philosophe Axel Honneth en tête, qui s’insurge contre « la jactance »antisociale de cette « coqueluche des médias » qui laisserait entendre que les pauvres volent les riches (Le Monde, 24 /10/2009).
Mais Sloterdijk ne renonce pas. Aussi éloigné de la « médiocrité postextrémiste »de la gauche radicale que de la « tautologie moralisante » de la nouvelle philosophie, il cherche à renverser les valeurs et, à l’opposition classique entre le bien et le mal, préfère celle « entre le lourd et le léger », entre ce qui alourdit l’existence et ce qui la rend plus légère.
« La philosophie que l’on choisit dépend de l’homme que l’on est », écrit-il dans Tempéraments philosophiques (2011, rééd. Fayard/Pluriel, 2014). L’homme est un colosse sensible, drôle et mélancolique. Un travailleur acharné qui écrit 20 pages par jour et parcourt 40 kilomètres à vélo, surtout lorsqu’il peut les faire dans le Pays de Grignan (Drôme) qu’il aime tant, et où il réside dès qu’il en a le temps.
Car Peter Sloterdijk considère la France comme une « éternelle fiancée » tout comme « une implosion spirituelle permanente » qu’il dépeint avec amour, acuité et ironie (Ma France, Libella-Maren Sell, 2015). Avec ses allures de géant nordique érudit, ses cheveux et ses idées en bataille, la fausse nonchalance d’un animal aux aguets, il bouscule le petit monde de la philosophie.
Odyssée conceptuelle
Dès son premier livre, que Jürgen Habermas salua comme un « événement »dans l’histoire des idées – avant de s’opposer à lui quelques années plus tard lors de la polémique suscitée par ses Règles pour le parc humain (1999, rééd. Fayard, 2010) –, Peter Sloterdijk rompt avec la posture apocalyptique des maîtres de la théorie critique. Contre « l’agonie » de la philosophie, il ravive l’ironie du cynisme antique (Critique de la raison cynique, 1983, rééd. Christian Bourgois Editeur, 2000). Et réhabilite un gai savoir philosophique.
Pour les uns, ce « nietzschéen de gauche » serait devenu aujourd’hui un « néoréactionnaire », avec sa savante mais virulente charge contre « les enfants terribles de la modernité » sans père ni repère, qui prétendent faire table rase du passé (Après nous, le déluge, Payot, 2017). Pour les autres, il est celui qui a le mieux théorisé le temps présent. Sa méthode ? Le conte philosophique touffu et érudit, l’odyssée conceptuelle. Car « pour éclairer la situation, il faut de grands récits », dit-il.
A L’OPPOSITION CLASSIQUE ENTRE LE BIEN ET LE MAL, PETER SLOTERDIJK PRÉFÈRE CELLE « ENTRE LE LOURD ET LE LÉGER ».
Artiste de la métaphore et de l’image conceptuelle, son style, à la fois aérien et robuste – français et allemand, aurait dit Nietzsche – est admirablement servi par son traducteur, Olivier Mannoni. « Quand on est son invitée, on le voit devant ses lourdes casseroles en train de préparer avec minutie un mets succulent parsemé de réflexions de haute volée métaphysique », témoigne son amie et éditrice Maren Sell qui publie en France cet « être continuellement inspiré, comme si un petit génie était en permanence accroupi sur son épaule lui chuchotant ses fulgurantes observations ».
Une aventure qui dure depuis son Essai d’intoxication volontaire (1997, rééd. Fayard, 2010). Car, oui, il faut être« intoxiqué par son époque » pour mieux la penser, explique Sloterdijk. Vivre des expériences, pratiquerdes exercices spirituels. Aller même – comme il le fit dans sa jeunesse – jusqu’à l’ashram de Poona en Inde et suivre le gourou Bhagwan Shree Rajneesh, ce « Wittgenstein des religions », dit-il, qui animait des « séminaires érotiques » aux « règles frivoles ».
Européen convaincu, Peter Sloterdijk a, lors de la campagne présidentielle, « vivement » salué la candidature d’Emmanuel Macron, « parce qu’il est le seul à apporter un concept actif et positif de l’Europe », invitant ses amis français à « ne pas éteindre les Lumières ». Le 23 septembre, il dialoguera avec le médiologue Régis Debray, l’un des intellectuels français qui, avec Bruno Latour ou Daniel Bougnoux, entretiennent un dialogue fécond avec le colosse de Karlsruhe.
Nul doute qu’il ne partage pas l’idée défendue par Regis Debray selon laquelle l’américanisation du monde précipite la chute de la civilisation européenne. Ni, peut-être, sa critique du « nouveau pouvoir » de Macron. Mais la capacité partagée par les deux philosophes à saisir l’époque par la pensée est telle qu’il y a fort à parier qu’ils donneront à voir ce que peut être un théâtre des idées.
L’automne éblouit ici. Annie vit parmi cet embrasement, froide et reposée, presque indifférente, et je m’en indigne. Casamène est perché sur l’épaule ronde d’une petite montagne crépue de chênes bas, qu’octobre n’a pas encore mordus de sa flamme. Alentour, ce pays, que j’aime déjà, réunit l’âpreté d’un midi de mistral, les pins bleus de l’est, et du haut de la terrasse de gravier, on voit luire, très loin, une froide rivière, argentée et rapide, couleur d’ablette.
Le mur de clôture s’écroule sur la route, la vigne vierge anémie sournoisement les glycines, et les rosiers qu’on ne renouvelle pas dédoublent leurs fleurs, redeviennent églantiers. Du labyrinthe, puérilement dessiné par le grand-père d’Annie, il reste un fouillis d’érables, d’alisiers, des taillis de ce qu’on nomme à Montigny « pulains » , des bosquets de végelias démodés. Les sapins ont cent ans et ne verront pas un autre siècle, parce que le lierre gaine leurs troncs et les étouffe… Quelle main sacrilège tourna sur son socle la dalle d’ardoise du cadran solaire, qui marque midi à deux heures moins le quart ?
Les pommiers âgés donnent des fruits nains à mettre sur les chapeaux, mais une treille de muscat noir, mystérieusement nourrie, s’est élancée, vigoureuse, a couvert et effondré un poulailler, puis, ressaisissant le bras d’un cerisier, l’a noyé de pampres de vrilles, de raisins d’un bleu de prune qui s’égrènent déjà. Une abondance inquiétante voisine ici avec l’indigence pelée des rocs mauves qui crèvent le sol, où la ronce même ne trouve pas de quoi suspendre ses feuilles de fer hérissé.
[…]
Vous ne trouvez pas que Casamène est une des passionnantes et mélancoliques extrémités du monde, un gîte aussi fini, aussi loin du présent que ce daguerréotype de votre grand-père ?
Elle hésite :
– Oui, autrefois je l’ai aimé, quand j’étais petite. Je croyais au labyrinthe, à l’infini de l’allée qui revient sur elle-même… On m’a dégoûtée de Casamène. Je m’y repose… je m’y pose… là ou ailleurs !…
– Incroyable ! dis-je en secouant la tête. C’est un endroit que je ne voudrais céder à personne; si j’avais Casamène…
Dressée bout du chemin, descendant grand-vergue, plus claquante qu’un relevé de mini-compteur un jour de grand-vent
Les yeux ne pouvant se détacher l’image que la glace renvoie tiède-brûlante sur les thyms de garrigues
Un sein palpite
l’autre se met à l’amble
dans la chambre un enfant va naître
Les murs passent les lézardes du malheur des fissures et dire qu’on s’auraient pas connu on aurait rien su grandeur réelle de nos attentes d’enfants que des peurs cognent dans certains moments décevants tous noirs de nuit froide
Où que tu soie, je mords des dents à la veine vertébrale de l’arbre sauvage, t’as la peau qui parle avec cette voie que les marins ont à la recherche du nouveau-continent, pays de lune, bas de dos, haut de front, mèches rousseur de vache, trempée d’encre en piqué de folie…ô la belle amour !
Mots pris à l’arrêt. Derrière j’entends le jet du silence de mauvaise humeur. Son rire a un vieux grincement que n’a pas le mien. C’est vrai. Ma gueule rebute ce qui permet à mon rire de pas se priver de sa vraie nature. Enjoué ?Non cannibale. Cette voracité du gosse de rue que les promos mensongères n’attirent pas. J’ai du rire avant de quitter ma mère. Sinon…jamais j’aurais eu cette tessiture. Moqueur, ça oui, mais tellement entier que même habillé on entend mon rire tout nu.
Ce que j’en disais c’était pour meubler le côté coincé de l’attente où je fais salle…
Tapi dans son ombre impropre l’inopportun surgit en pleine lumière. Stupeur, embarras, moment d’absence, ton merveilleux sourire perd la parole, se réveille du rêve preneur de tous les accidents ménagers au moment de tomber libre dans le ré paré pour la gamme.
On entendait la rivière respirer calmement, à peine si la lune rencontrait un poids mort dans son quartier, la nouvelle, petite-débutante a fait sa rentrée sans bruit, jolie comme tout, passant sur le ventre de la terre un peu gonflé par un pouvoir maléfique. Les marches ont commencées par se mettre en pente, ce qui rend la descente de lit plus glissante, le café quant à lui avait un goût fade à le croire américain. Mes oreilles en partirent sans chercher à comprendre. Mais au fond de l’imprécis retenu pour créer une ambiance favorable aux couleuvres à faire avaler au bon peuple, me souvint sans douter de tes atouts gardés dans ma poche à coeur, la celle où je tiens le caillou: Ô mon guide.
A peine passé la porte, la comptine fait sa ronde, j’attrape d’un baiser la natte du delta, ma copine fait tourner les carreaux de sa saline, culotte petit-bateau, et hop nous voilà partis
Un ange repasse
En pesée
Des quatre fers
Sur le col et les poids niais
Le prochain qui s’y colle
Recopuleras 100 foies
au présent
Les soleils d’automne sont l’or du feuillu, dans le bois elles couchent le champignon sous l’humus, en se mettant en drap de dessus, l’odeur de terre ouverte monte au-dessus des châtaignes pour les marrons chauds des terres à labours. Le cheval monte au devant des semailles, sans gêner les vaches dans leur contemplation d’entrain. Des doigts de peint regardent la Chaume, un tant se met au chevalet.
Un enfant dans l’image à colorier va cheveux au vent de son ignorance d’interdit. Au bout du couloir menant au port la nacre des coquilles enfourchée sur le mouvement lunaire renvoyait la voute étoilée se mirer dans les claires du parc à huîtres. Le marais étendu au-delà de la ligne de marées tirait l’estrade au sec des premiers cônes du salant. Comment expliquer la présence d’un certain état d’esprit autrement. Les quelques vignes a piquette qui tirent leurs ceps rabougris du sable ne participent qu’au titre de l’inextinguible soif des martins-pêcheurs. Par moments une bouffée d’accordéon montait du fond d’une cale. Et à l’autre bout du monde des négriers vendent un échouage d’émigrés. Sur les cartes postales on devrait imprimer que le beau paysage ne reflète jamais jamais le portrait de l’homme.
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