UNE POUR TOUTES


UNE POUR TOUTES

 

Paul Eluard

 

 

Une ou plusieurs

L’azur couché sur l’orage

La neige sur les oiseaux

Les bruits de la peur dans les bois revêches

Une ou plusieurs

Dans les coques de glaise on a semé des corbeaux

Aux ailes fanées au bec de tremblement de terre

Ils ont cueilli les fantastiques roses rousses de l’orage

Une ou plusieurs
La collerette du soleil
L’immense fraise du soleil
Sur le goulot d’une clairière

Une ou plusieurs

Plus sensibles à leur enfance

Qu’à la pluie et au beau temps

Plus douces à connaître

Que le sommeil en pente douce

Loin de l’ennui

Une ou plusieurs

Dans des miroirs câlins

Où leur voix le matin se déchire comme un linge

Une ou plusieurs

Faites de pierre qui s’effrite

Et de plume qui s’éparpille

Faites de ronces faites de lin d’alcool d’écume

De rires de sanglots de négligences de tourments ridicules

Faites de chair et d’yeux véritables sans doute

Une ou plusieurs

Avec tous leurs défauts tous leurs mérites
Des femmes

Une ou plusieurs

Le visage ganté de lierre

Tentantes comme du pain frais

Toutes les femmes qui m’émeuvent

Parées de ce que j’ai souhaité

Parées de calme et de fraîcheur

Parées de sel d’eau de soleil

De tendresse d’audace et de mille caprices

De mille chaînes

Une ou plusieurs

Dans tous mes rêves

Une nouvelle fleur des bois

Fleur barbare aux pistils en fagot

Qui s’ouvre dans le cercle ardent de ses délires

Dans la nuit meurtrie

Une ou plusieurs

Une jeunesse à en mourir

Une jeunesse violente inquiète et saturée d’ennui

Qu’elle a partagé avec moi

Sans se soucier des autres.

 

Paul Eluard

3 réflexions sur “UNE POUR TOUTES

  1. Paul Eluard
    Un coq à la porte de l’aube

    Un coq battant de cloche

    Brise le temps nocturne sur des galets de promptitude

    Un lancer de ramages

    Entre deux transparences inégales

    On ne va pas si tôt lever la tête

    Vers la lumière qui s’assemble

    Mais la baisser

    Sur une bouche plus vorace qu’une murène

    Sur une bouche qui se cache sous les paupières

    Et qui bientôt se cachera derrière les yeux

    Porteuse de rêves nouveaux

    La plus douce des charrues

    Inutile indispensable

    Elle sait la place de chaque chose

    Dans le silence

    Collier rompu des mots rebelles

    Une autre bouche pour litière

    Compagne des herbes fiévreuses

    Ennemie des pièges

    Sauvage et bonne formée pour tous

    Et pour personne

    Bouche oublieuse du langage

    Bouche éclairée par les mirages de la nuit

    Le premier pas sur cette route franche

    Monotone comme un enfant

    Mille orchidées à l’infini

    Brillant brûlant pont vivant

    Image écho reflet d’une naissance perpétuelle

    Cest gagner un instant

    Pour ne plus jamais douter de durer.

    Le Baiser. Paul Eluard.

    Aimé par 1 personne

Les commentaires sont fermés.