
PARTOUT OU ILS ARRACHERONT JE REPLANTERAIS


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Il y en a qui prient, il y en a qui fuient,
Il y en a qui maudissent et d’autres réfléchissent,
Courbés sur leur silence, pour entendre le vide,
Il y en a qui confient leur panique à l’espoir,
Il y en a qui s’en foutent et s’endorment le soir
Le sourire aux lèvres.
Et d’autres qui haïssent, d’autres qui font du mal
Pour venger leur propre dénuement.
Et s’abusant eux-mêmes se figurent chanter.
Il y a tous ceux qui s’étourdissent…
Il y en a qui souffrent, silence sur leur silence,
Il en est trop qui vivent de cette souffrance.
Pardonnez-nous, mon Dieu, leur absence.
Il y en a qui tuent, il y en a tant qui meurent.
Et moi, devant cette table tranquille,
Écoutant la mort de la ville,
Écoutant le monde mourir en moi
Et mourant cette agonie du monde.
René Tavernier, paru dans Positions, 1943
Les Poètes de la Résistance
Quitte-on un jour la résistance quand on a traversé sa vie durant la guerre, l’ignominie, la dérive politique, les méfaits du capital ? Non, j’y suis depuis mon enfance et y serais encore après ma mort. Mon regard humaniste a toujours veillé, sachant que pleurer avant que le malheur arrive, a plus de chance d’arroser la paix que de la noyer dans le sang.
Aujourd’hui ce qui arrive n’est que le début d’un drame qui va sévir bien au-delà de la France, faute d’avoir coupé à la racine quand on a regardé que l’intérêt du rapport en lieu et place du prix à payer.
Niala-Loisobleu
14 Novembre 2015


VERT VIDE
Un fond de rouge aux lèvres
sèche à l’orée des commissures d’un bistre ô
Tapis sous l’effeuille
le sol
cherche sa clef
Des cernes
nous ramassent à la pelle
d’un pré vert
Reste en corps un arbre
pour écorcer nos coeurs
Chaîne liège
un jeté de lit en bouée
nage
au dessus de la ligne de flottaison
Niala-Loisobleu
13 Novembre 2015


ETRANGES SONT LES VOIES NOCTURNES DE L’HOMME
Ce matin me voici à écrire à la mélancolie qui habille un quotidien de tant de circonstances atténuantes, que je la montre pour qu’on sache sa part de vérité. Son juste lamento, sans que je n’ai perdu mes ongles à lacérer le mauvais sort, au nom de ce qui en nous doit vivre au premier rang sans céder à une souffrance indiscutable.
Toi qui a mal je ne t’en aime que davantage. Et moi l’ara-qui-rit, je choisis un des plus noirs oisos qui soient :
Georg Trakl
Poète des lacs sombres, des décadences et des transgressions, Trakl est le poète contemporain le plus dérangeant. Étranges sont ses voies nocturnes, et il reste un étranger pour tous. Maléfique sa poésie, éclatante et perverse son écriture.
« Qui pouvait-il bien être ? » demandera Rilke juste après la mort de Trakl. « Je suis à moitié né, je suis complètement mort », disait lucide Trakl.
Trop de réponses vont tuer la réponse, on peut juste s’approcher un peu de ce poète en éludant sa complexité et son sens du religieux très personnel, Pain et vin, ceux de la religion mais aussi ceux qu’il apportait aux prostituées les soirs d’hiver passent dans son œuvre.
Mais plus encore la neigeuse nuit, est dans ses mots qui sont « une croix de sang dans l’éclat des astres ». Il se voyait comme un pauvre Kaspar Hauser, l’homme sans identité, l’étranger total.
Une poésie noire et glacée
Issue des débris pourrissants de l’Europe austro-hongroise, de la joyeuse apocalypse viennoise, du nihilisme féroce berlinois, une poésie noire et glacée a vu le jour : la poésie expressionniste de langue allemande. Pressentant les bruits terrifiants de la grande « guerre-boucherie » qui s’avance dans les tranchées des têtes, toute une génération de peintres, d’écrivains hurlera avant de disparaître, broyée devant la bêtise coagulée en haine répandue. Il aura retransmis le crépuscule métaphysique de l’Occident.
D’ailleurs « Occident » est l’un de ses plus beaux textes. Il est profondément l’homme du déclin et il n’aura de cesse de décliner.
Trakl est né à Salzbourg le 3 février 1887, il est mort le 3 novembre 1914 à 27 ans.
Il était pharmacien militaire, pour mieux se rapprocher de ses drogues. Sa vision de la boucherie de Grodek, entre le 6 et le 11 septembre 1914, le marqua au tréfonds. Il fera une tentative de suicide pour ne plus voir au fond de lui tous ses corps déchiquetés, ces dormeurs sombres au front fracassé.
Trakl est mort autant d’overdose de cocaïne une nuit de 3 novembre 1914 à l’hôpital psychiatrique de Cracovie que d’overdose du monde en sang. Il demeure, sans doute le plus grand de ces sacrifiés, comme Franz Marc, August Macke, qui surent jusqu’aux bouts des « champs d’horreur » parler de beauté. Nul n’aurait connu sa poésie et son théâtre sans le dévouement de son éditeur Ficker. Et depuis il est le soleil noir de la poésie allemande. En 1925 ses restes sont ramenés en Autriche près d’Innsbruck, pas si loin de vienne qu’il détestait. Une seconde vie commence dans la conscience littéraire européenne. Il devient la voix du malheur dans l’écrin du lyrisme proche de Novalis, avec des formes qui semblent rassurantes, – sonnets, quatrains -, mais qui pervertissent le genre.(Source Esprits Nomades)
Mélancolie
L’âme bleue s’est refermée muette
Dans la fenêtre ouverte tombe la forêt brune
Le silence des bêtes sombres ; dans la profondeur meule le moulin
sur le chemin,, les nuages dévalent,
Ces étrangers dorés. une cohorte de coursiers
jaillit rouge dans le village. Le jardin brun et froid
L’aster tremble de froid, sur la clôture peinte tendrement
l’or des tournesols est déjà presque enfui.
La voix des jeunes filles, la rosée a débordé
dans l’herbe dure et l’étoile blanche et froide.
Au milieu des ombres chères vois la mort peinte
chaque face pleine de larmes et fermée sur elle-même.
Georg Trakl
Je n’ai de mal que d’aimer tant le bonheur passe par la souffrance combattue .
Niala-Loisobleu
13 Novembre 2015
![The%20Workshop[1]](https://alaindenefleditniala.com/wp-content/uploads/2015/11/the20workshop1.jpg?w=526&h=682)

COMMUNE PRESENCE
Tu es pressé d’écrire
comme si tu étais en retard sur la vie
s’il en est ainsi fais cortège à tes sources
hâte-toi
hâte-toi de transmettre
ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
effectivement tu es en retard sur la vie
la vie inexprimable
la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir
celle qui t’es refusée chaque jour par les êtres et par les choses
dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
au bout de combats sans merci
hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière
si tu rencontres la mort durant ton labeur
reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
en t’inclinant
si tu veux rire
offre ta soumission
jamais tes armes
tu as été créé pour des moments peu communs
modifie-toi disparais sans regret
au gré de la rigueur suave
quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
sans interruption
sans égarementessaime la poussière
nul ne décèlera votre union.
René Char
(Commune présence, in Le Marteau sans maître (1934-1935)

LACRYMALES BLEUES
Pendant qu’ils avaient
leur do tourné
le tien tout seul a pris toute la gamme
jolie fugue
J’ai posé mes lèvres au sel de tes yeux
larmes bleues
vagues de harpe
cap au large
Un do plus fin que les autres
surgissant de l’ô
a libéré de ta poitrine
les zèles des papillons
Nous voici aux chants d’oiseaux
accordés
une m’aime couleur de plume
à la main
De loin en loin
nous nous rapprochons
à portée
Niala-Loisobleu
12 Novembre 2015

A LA GLACIERE
Quand j’avais ni poils ni tétés
Tous les soirs, l’hiver comm’ l’été,
Je travaillais dans les pissotières
A la Glacière.
Avec un p’ti sourir’ vicieux
J’r’troussais d’vant les vieux messieurs
Mon tablier noir d’écolière
A la Glacière.
Comm’ mon pucelage il était loin,
On m’enfilait dans les p’tits coins
Mais fallait que j’mont’ sur un’ pierre
A la Glacière.
Et pis j’m’en allais sans m’laver
En sentant ma monich’ baver
Tout l’long d’ma cuiss’ dans ma jarr’tière
A la Glacière.
A part ça, j’savais bien sucer,
Mêm’ les vieux qui n’pouvaient plus pisser,
J’avalais ça comm’ de la bière
A la Glacière.
J’avais aussi un aut’ métier,
J’bouffais tout’s les gouss’s du quartier,
La blanchisseuse et l’épicière
A la Glacière.
Quand j’faisais un’ gougnott’ miché
Qui m’enfilait au godmiché,
J’disais toujours : « T’es la première ! »
A la Glacière.
C’est l’jour d’ma premièr’ cummunion
Que j’ai gagné le plus de pognon
Par la bouche et par le derrière
A la Glacière.
Mais jamais d’ma vi’ j’ai tant ri
Qu’en suçant l’membre du jury
Qui m’avait couronné’ rosière
A la Glacière.
Pierre Louys
1905
(parodie de la chanson de Bruant du même titre)


MI NOCHE TRISTE
L’eau coule par les crevasses du plafond
Aux rides du plancher les pattes d’oie s’envasent
Où est parti le lustre, en boule ?
Vers ce bruit sombre,
peut-être,
où
cette promesse mensongère,
lumière
qui se balançait aux anneaux d’une chaîne d’amitié ?
Un chat a glissé sa queue entre les moustaches d’un crapaud à franges où le parapluie sommeille, replié sur lui-même. Le vent fait trembler des reflets sur les pavés ardoise des quais, où des herbes brûlées par de l’oxyde de ne pas faire, ont écrit les adieux de la verdure en d’ocres signes de détresse.
Au bout du bassin, une carcasse marine se laisse embarquer par des roulis gardés dans les vertèbres. Les bois blanchis par le sel n’ont rien oublié des étreintes d’un océan en rut, aux chevilles de bas bord, ils courbent l’échine des frôlements de pieds glissant sur le pont , tri bord vers celle dont la figure demeure en proue.
Tango triste, c’est pas nouillard, tango triste c’est pas du sirop, tango triste c’est show de sentiment. C’est l’aime haut ragie. Deux poignets qui se marient au fil du rasoir.Tango c’est la vie rouge noir, tango verse moi en corps à boire.
Tango c’est une mise amor
Chat vire
Chat loupe
Chat rade
Chat touille
Chat gâte
Chatte paires chez
Chat tisse faction
Il pleut dans les yeux
Au port salut. attaches-toi
Chat t’air tonne
Les papillons cognent sous les halos déchirés de rendez-vous manqués
Chat toi ment
Aux pianos les bars sont en bleus de chauffe
Les cous se sucent pendus aux cordes d’un violon
Chatte rit
La contrebasse déchire le haut du pantalon
Chatte à nous gârs
Tango vagine
Tango bande-aux-néons
Tago cyprine
Tango chatte au brillant
Charnel
Tango sangsuel
Tango qui réunit
Tango qui lie
Tango qui noud
Tango qui nous raye unis
Dense étreinte
Les garçons et les filles de mauvaise vie ont bon dos. Mâts, matelots et mate las s’en souviennent. Tango dit toute la vérité, tango vie de merde, tango frénésie, tango mord, tango tord le cou à la mort, tango c’est l’avis de l’amor.
Mi noche triste, ouvre les paupières sur les marchés d’esclaves, ils sont partis, fers, les pas libres.
Mi noche triste cueille la ouate des nuages et tisse le coton des ciels de lit
Mi noche triste hurle sous les coups de l’injustice, poumons cancer
Mi noche triste s’insurge, boulet de la tyrannie quitte mes chevilles
Mi noche triste libère ma tête, coeur ouvert à corps éperdu
Mi noche triste
Mi noche triste est-ce demain le levé du soleil
Tango peau à peau, dévêt la porte de ce drap mortuaire
Tango est-ce tu air
Tango ma chemise colle, desselle l’harnais, saute à cru la haine
Tango pisse, crache, vomis
Tango arrache laid
Tango
Chacun sa peine
Niala-Loisobleu
11Novembre 2015

M’AIME MORT
Et je mords en corps
au point de mes ongles
à étrangler sous mes fa
l’ange
qui me ravit d’ailes

Seul gardien de mes buts
t’en déplaise
maux dits
J’aimerais oui le j’aimerais tous jours
m’aime mort !
Niala-Loisobleu
10 Novembre 2015
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