A LA TAVERNE DE LA MER


PAR

CONSTANTIN CAVAFY

A LA TAVERNE DE LA MER

PAR

CONSTANTIN CAVAFY

À la taverne de la mer est assis un vieil homme aux cheveux blanc,

la tête inclinée sur un journal étalé devant lui,

car personne ne lui tient compagnie.

Il sait tout le mépris que les regards ont pour son corps,

il sait que le temps a passé sans plaisir aucun,

et qu’il ne peut plus offrir l’antique fraîcheur de sa beauté passée.

Il est vieux, il ne le sait que trop, il est vieux,

il ne le voit que trop, il est vieux,

il ne le ressent que trop à chaque fois qu’il pleure,

il est vieux, et il a le temps, trop de temps pour le voir.

C’était, c’était quand, c’était hier, encore.

Et on se souvient du « bon sens », ce menteur !

et comment le fameux « bon sens » lui a préparé cet enfer

lorsqu’à chaque désir il répondait

« Demain, demain il sera temps encore ».

Et il se souvient du plaisir retenu,

de chaque aube de jouissance refusée, de chaque instant perdu

qui se rit maintenant de son corps labouré par les ans.

À la taverne de la mer

est assis un vieil homme

qui, à force de penser, à force de rêver,

s’est endormi sur la table…

Constantin Cavafy

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