
DANS LA DIFFÉRENCE CETTE HERBE
PAR
JEAN CLAUDE RENARD
Comme un linge rouge baignant dans la fumée d’un feu de branches
L’île attend.
Des boiseries en ruine parlent du froid.
Où naître?
Où devenir par profonde rupture
Le père tué, — l’exil qui exauce l’image obscure, inachc-Vable…
Sous l’auvent brûlé du lavoir
Je n’entends plus les merles s’enivrer de fourmis.
De l’eau, du sable : l’importance reste ambiguë.
Si j’écartais de moi ce sang
Peut-être qu’auprès de l’autre puits
L’air neuf luirait avec la menthe.
Les ornières portent des empreintes dont je ne sais rien.
Me les concilier
Donncra-t-il un sens à ce qui est absent?
Dans les érables défeuillés
Un clan de corbeaux loge sa fable comme des pommes bleues,
—
Présageant la nuit.
Je devine qu’en ce détour
Le vide est aussi doux qu’une fourrure de martre.
A la lisière des champs
Où la pluie installe une odeur de noix et d’oronges,
Qui fêtera la tentation de la mort?
Même ici, dans l’herbe transparente, la paille est prête pour la foudre.
Au risque d’aucune langue.
Je m’avancerai vers l’énigme
De quelque braise possible sous les pierres.
Mais les bois ont un autre nom
Quand personne n’y passe plus.
L’étroite piste ouverte en ces fougères
Aurait pu pourtant signifier…
Un dolmen méditant une lumière inconnue
Accueillera-t-il la neige?
Je cherche quelle différence
Continue d’écrire dans la boue.
Les femmes qui rapportent les lampes de la mer
Ont sans les voir croisé des pas trop purs.
Seul un briard
(Humant quoi sous le houx)
Semblait lire de minces gouttes d’or blanc.
Là-bas, entre ces murs de tourbe et de varech,
Une prophétie éclaire les buissons.
Est-ce l’hiver empli de sainteté
Qui possède le chiffre de la métamorphose?
Au bord de la rivière des traces, éloignant vers où le silence.
M’invitent à les suivre
En n’interrogeant rien que la paix des mouettes propices !au mystère.
En aval, derrière l’oseraie,
Patiente une maison déserte.
De quel signe
(Comme selon le vent variable les augures du hêtre pourpre)
Honorera-t-elle le matin?
Une enfance doit y apprendre
A ne pas guérir de l’incertitude.
Toucher la source enfouie parmi ces failles
N’eût fait qu’offrande à l’être
Sans s’allier ce qui vient…
Après l’averse.
Les oreillards frayèrent dans la brume des couloirs de soie et de verre.
Toute veille est longue sans lune
Sur une promesse de joie.
J’obtins à peine de ces petites briques aiguës
Le don d’être un instant l’argile,
—
Une blessure plus proche du dieu.
Le courage de vivre rend-il tout espérable ?
A l’aube.
Quand les chevaux partirent vers la grève.
La glace brillait sur les marais.
Jean-Claude Renard