
PHILIPPE DELAVEAU
LE BLEU
Lorsqu’on renverse la tête sur le sable, et que le jour décroît Soudain les yeux s’entrouvrent : c’est le bleu Du ciel immense, l’espace transparent du ciel bleu, pays De la lumière vive au-dessus de la joie de l’arbre, Et le héron prudent pose une patte circonspecte, risque l’autre Sur le mercure miroitant; la flaque réfléchit l’impavide, l’immense, L’absolu bleu. Nous oublions Les luttes d’un cœur épris d’amour et les distances. Le bleu Traverse l’air impalpable, visite la branche immobile qui le salue Se laisse étreindre par les yeux qui le pénètrent. Dans le vitrail éclate la fanfare du jour, La rosace infusant le doux acquiescement de la lumière. Même un nuage infime et haut fait concevoir Les éloignements sans fin de la distance où glisse Au pli de la tenture une aiguille suivie D’un fil qui s’effiloche. Une invisible main Tente de coudre à l’aube enfuie le crépuscule, Puisque emporté par son poids, le soleil Déchire la mandorle où le temps le suspend Et que le bleu pâlit à l’horizon. La mer Répand sur ses genoux qui tremblent Le vaste drap où flambent ses ciseaux, Berçant infiniment nos cœurs qui se désolent D’être mortels encore sous l’azur éphémère. Philippe Delaveau |