CARLOS PRADAL EL HOMBRE DE LA LUZ



CARLOS PRADAL EL HOMBRE DE LA LUZ

CARLOS PRADAL me dit « J’ai beaucoup travaillé, venez voir… ».

J’entre dans son atelier. Au mur, la copie d’un Gréco qu’il fit il y a plusieurs années ; des paysages, des portraits, des natures mortes, anciens pour la plupart ; et un grand « toro » qui sèche. Par terre, posées de champ dans des caisses, des toiles.

Je ne sais pas, une centaine peut-être. On y trouvera trois fois, cinq fois, dix fois le même sujet. Car il ne corrige jamais, il recommence. Comme au saut en hauteur si c’est raté, ne serait-ce que d’un pouce, il faut repartir du sol, de zéro.
C’est pour lui une évidence qu’il ne cherche pas à comprendre.
Si on l’interroge, il écarte ses longs doigts en éventail, et fait le geste de poser doucement quelque chose sur la toile : il faut que ça y soit… – Du premier coup? – Si vous voulez (Il hésite). C’est un peu ça… ».

Je sais que ce n’est pas tout à fait ça.
Il faut pour lui que cet objet qu’on va nommer tableau soit comme un fruit mûr qui tombe à son moment de plénitude car cette chose est en fait un être vivant, qui se conçoit, se crée, s’accouche et croît – et qui n’a qu’une vie.

C’est cet élan sans reprise possible, cette courbe de haut vol, cette unité de l’âme et cette intégrité du corps qu’il veut retrouver sur chaque toile. « Quand je m’effraie de ce combat sans merci, iIl arrive un moment, dit-il, où sur une touche vous jouez tout le tableau ».

Et je sens que c’est là son intuition de la beauté, et je sais pourquoi les maîtres qu’il aime ont nom Vélasquez et Cézanne. Pour aller au-delà, il n’est plus besoin de l’interroger, mais tout bonnement de le regarder vivre.
Comme la mère est toute à l’enfant qu’elle porte – le plus beau du monde, on le sait – il ne vit que pour le tableau qu’il est en train de faire.
Ceux qui sèchent dans son atelier ont déjà épuisé pour lui leur potentiel d’inquiétude et de joie ; à nous désormais de nous nourrir de cette beauté ; lui, le sens de sa vie n’est déjà plus là, mais dans ses toiles futures, les proches et les lointaines

Sincère, passionné, tenace, en quête de cet absolu mouvant que sa condition d’homme condamne à monnayer, et que les démons qui habitent son regard et ses mains poussent à « donner à voir », il n’est pas unique.

Disons simplement qu’il est exemplaire.

Michel ROQUEBERT. (1962, revue art présent)

Né en 1932 à Madrid, mort à Paris le 30 Novembre 1988

sa famille est contrainte à l’exil en 1939. Il obtient une licence d’espagnol en 1956 et devient maître auxiliaire. Dessinateur et peintre, il présente en 1960 sa première exposition personnelle à la Galerie Maurice Œuillet de Toulouse. Il collabore régulièrement, jusqu’en 1970, comme illustrateur, à la Dépêche du Midi. Cette même année, il réalise sa première exposition à thème, Les Beaux quartiers, en hommage sans doute à Rembrandt qui, lui aussi, avait peint des morceaux de viande de boucherie. Dès lors, il présentera le plus souvent des expositions thématiques : Les Passantes en 1977, Les Billards en 1980 et Le Flamenco en 1984. En 1972, il s’installe à Paris et devient l’ami des peintres espagnols Peinado et Pelayo. À la mort de Franco, il retourne en Espagne et ne cessera d’exposer chaque année dans son pays. Une grande rétrospective de son œuvre a eu lieu en 1984 au Musée des Augustins de Toulouse. Il consacre les dernières années de sa vie au dessin et à la traduction en français de poèmes espagnols.

  

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